Spielberg sous acide ça donne : Jaws croisé avec Hook croisé avec Indiana Jones le tout en mode arca
Je ne suis pas un grand fan de la série de bande dessinée. Je pense en effet que l'oeuvre de Hergé est assez inégale enchaînant les chefs d'oeuvre et les bouses sans problème. Adapter ce héros parfait ne m'a donc pas paru particulièrement profane, sauf peut-être quand j'ai appris le nombre d'albums qui allaient être compilés dans un seul film. Je veux dire : Hergé a déjà tendance à mettre trop de conflits et à envoyer sa narrations dans tous les sens, de quoi donner à matière à un film de 3h avec un seul album, alors pourquoi vouloir adapter autant d'histoires d'un coup?
Au moins, on peut dire que là-dessus Spielberg suit fidèlement Hergé : la narration ne souffre d'aucun temps mort, ça roule constamment à un rythme effréné. Et c'est bien là le problème car au final le cruel défaut de ce film, c'est de manquer de rythme. Le rythme ce n'est pas juste rouler à tombeau ouvert durant 120mn, c'est aussi savoir se poser, prendre le temps de raconter. Et ça les scénaristes ne le font jamais. Ainsi, l'histoire regorge de bonnes idées (même le combat de grue n'est pas aussi mauvais que ce à quoi je m'imaginais), mais on ne profite de rien, tout va trop vite. Et cela altère le récit de la façon la plus douloureuse possible : des incohérences et des dei ex machinae. Aucune résolution ne paraît compliquée, tout arrive à point nommé, tout paraît simple, trop facile, d'autant plus que les personnages surgissent de n'importe où, n'importe quand, aucune logique dramaturgique si ce n'est : tout est possible. C'est dommage. C'est dommage parce que, vraiment, il y avait de bonnes idées. Et même l'humour m'a touché. Y compris le gag du renvoi ! Certe, ce n'est pas très fin mais Hergé lui-même ne l'a pas toujours été, je n'ai donc pas vu ça comme malvenu dans cet univers.
Je n'ai pas vraiment accroché au graphisme. Dès la bande annonce et même les premiers teasers ou encore premières photos dévoilées, j'ai détesté. C'est froid, c'est flou, c'est comme un jeu vidéo. Je pense que ce qui participe de cette dernière impression est l'utilisation d'une gravité moins forte que dans la réalité. Pixar nous a habitué à quelque chose de plus réaliste, avec des chutes lourdes. Ici on dirait que les objets tombent et les animaux sautent au ralenti. Les dernières scènes fonctionnent mieux à ce sujet, heureusement.
Spielberg nous montre qu'il est toujours capable de faire de l'épic. Il y a vraiment de superbes scènes d'action. Malheureusement il en fait trop. Parfois on aimerait se reposer un peu les mirettes, profiter d'un simple décor, d'un simple champ/contre-champ. Là aussi c'est un problème de rythme. Certaines scènes manquent d'ailleurs d'une mise en scène, d'un travail d'ambiance. Je prends par exemple cette séquence de 5 minutes dans le désert où Haddock voit des mirages très vite. Et bien c'est un bel exemple de scènes où Spielberg n'a rien construit, de ce fait on n'entre pas dans le délire de Haddock comme c'était le cas dans la BD.
Je n'aime peut-être pas le graphisme mais il ya des qualités qu'il faut bien reconnaître : les expressions faciales et corporelles des personnages, grâce au motion capture, sont d'une justesse effrayante. Je ne croyais pas qu'il serait possible un jour que je dise cela, mais l'image de synthèse réussit à égaler le live pour représenter le spectre émotionnel humain. De même il est de très belles lumières, et donc de très belles compositions.
Bref, ce Tintin au cinéma m'a laissé perplexe. Je m'attendais à soit un bon blockbuster, soit un très mauvais. Finalement, il y a autant de qualités que de défauts. Espérons que Jackson prenne moins de coke lorsqu'il réalisera le deuxième volet, que les scénaristes n'en feront pas trop non plus (surtout que je soupçonne ce surplus d'action comme moyen de cacher la pauvreté du récit). Je suis curieux de voit la suite !
