La machine a été lancée il y a trop longtemps et la production ne semble pas prête à changer de moule. J.K. Rowling a sans doute gagné à être entendu et à voir son univers se développer, mais ce nouveau format sériel sur grand écran continue de faire naufrage. Et ce n’est pas avec le retour inespéré du co-scénariste Steve Kloves, qui aura pu cadrer la saga Harry Potter, que l’adaptation reste maîtrisée. Bien entendu, nous sommes loin de la débâcle du précédent volet, indigent visuellement et dans les ambitions qu’il prospectait. Ici, nous trouverons un peu plus de sobriété, mais ce sera toujours la même incantation, le même sortilège. Mais à force d’en abuser et de se reposer sur un David Yates en pilotage automatique, il y a de quoi être immunisé à toute cette aventure, qui cherche autant de réponses qu’il en étouffe.


Évoquons un instant la continuité, chose qui ne semble plus être au menu des cahiers des charges. Ce volet est à l’image de sa production défectueuse, au départ d’un comédien phare. Mais sans que cela puisse réellement nous entraîner dans le néant, nous sommes face à un changement de visage radical. Toute la longue exposition ne consiste plus à consolider la transition, mais bien de rebâtir de nouvelles bases, en insistant sur la description, jusqu’à ouvertement prendre le public par la main et en le baby-sittant comme un de ces animaux capricieux que les héros rencontrent parfois, au détour d’une intrigue pourtant moins conventionnelle. Il s’agit là d’une histoire d’amour tragique, mais qui trébuche sur des obligations, directement en contradictions avec les valeurs sombres et romanesques d’un récit qui file à toute allure, comme pour cacher ses plaies. Malheureusement, il n’y a rien de plus flagrant, que ce soit dans sa gestion de l’humour ou des moments de bravoures. On feint la cruauté et on remplace l’univers magique par un ballet féérique.


Ce qui est d’origine vendue comme une interprétation plus mature et radicale du monde des sorciers se crashe dans sa propre attraction, millimétrée et inoffensive. Nous avons alors deux contes, qui ne communiquent pas. Le ringard est attendu du côté des animaux, remis sur le devant de la scène, tandis que l’enjeu principal de la saga est masqué par ce premier mouvement. Et ainsi de suite tout suspense est désamorcé au nom de l’éthique ou d’une morale qui n’atteint pas un seul degré de maturité, voire d’humanité. Chercher des personnages vivants sera compliqué, étant donné que la galerie se renouvelle aussi rapidement qu’elle s’oublie. La présence du moldus pâtissier aurait pu servir mille propos pour l’arrivée de Mads Mikkelsen et Jude Law dans les rôles principaux. Mais Laurel reste ce Laurel au grand cœur, celui que l’on décrit avec insistance, mais que l’on distingue rarement de nous-même sur un écran qui défile ses images artificielles, avec des transitions nostalgiques douteuses, où les reliques de Poudlard pleuvent par principe.


Il semble dorénavant évident qu’avec « Les Secrets de Dumbledore », la saga des animaux fantastiques a déjà atteint ses limites et continuera d’avancer avec suffisamment de handicaps pour qu’il trébuche de nouveaux sur la pertinence de cet univers d’avant-guerre. Si l’on s’attend à investir la fameuse relation des sorciers amoureux, il faudra passer son tour et espérer que la suite saura respecter une trajectoire cohérente. L’autrice ne sait plus comment structurer sa narration et comment contenir ses personnages qui débordent constamment du pot, duquel elle ne cesse de tourner autour. Un brin de folie aurait été le bienvenu. Qu’on le veuille ou non, l’impertinence d’un Johnny Depp manque ou aurait au moins pu offrir un semblant de vivacité dans ce funeste couronnement, où la magie n’opère plus. Pire, où la magie n’existe plus.

Cinememories
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le 10 avr. 2022

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