Si le premier Animaux Fantastiques n'était pas dénué de défauts, notamment en ce qui concerne la narration, celui-ci avait réussi à nous replonger dans l'univers d'Harry Potter, tout en le présentant sous un nouvel angle. De plus, faire d'un moldu l'un des personnages principaux de l'intrigue au sein d'un quatuor composé de sorcier et de sorcières donnait lieu à une dynamique très plaisante et fraîche. Et c'est justement avec le personnage de Dan Fogler que je vais commencer cette critique des Crimes de Grindelwald (et oui, ça va spoiler).


Souvenez-vous, à la fin du premier film, Jacob réussit à ouvrir sa boulangerie, qui rencontre un franc succès. Nous le laissions donc prospère mais sans aucun souvenir des événements qui se sont déroulés à New York suite à l'arrivé de Newt (les sorciers ayant recouru à une pluie enchanteresse pour garder leur communauté secrète). On comprend que tous les souvenirs n'ont pas été complètement effacés puisque ses pâtisseries reprennent la forme des animaux de Newt et qu'il semble même reconnaître Queenie, la sorcière dont il s'était épris dans les Animaux Fantastiques, lorsque celle-ci se rend dans sa boulangerie, mais cela ne change pas le fait qu'ils aient bien été altérés. Or, les Crimes de Grindelwald prend cette fin complètement à contre-pied. Si le fait que Jacob soit envoûté lorsqu'il explique qu'il n'a, en réalité, jamais perdu ses souvenirs ait pu nourrir l'espoir qu'une fois l'enchantement de Queenie levé, de plus amples explications nous seraient données, il n'en est finalement rien. Autant dire que la réintroduction du moldu est laborieuse. Pire encore, le personnage de Jacob, en tant que tel, ne sert ici qu'à une chose : apporter un peu d'humour (et encore, de manière général, les blagues tombent à plat).


Cependant, l'intérêt du personnage, qu'il aurait peut être mieux valu mettre sur le côté dès le début, réside ici dans ce qu'il représente pour Queenie, qui se veut être le personnage le plus intéressant du film : ne comprenant pas pourquoi il lui est impossible d'aimer librement celui dont elle est amoureuse (elle doit d'ailleurs recourir à un sortilège pour que Jacob, qui est conscient des risques que sa bien aimée encourt en fréquentant un moldu, ne vienne pas pinailler sur leur mariage), la jeune sorcière décide de rejoindre les rangs de Grindelwald car elle se retrouve dans son discours, qui m'a paru plus soft que ce à quoi je m'attendais. Malgré son look qui peut être facilement assimilé à celui des nazis, Gindelwald n'est pas présenté ici comme une personne fondamentalement mauvaise. Si le personnage est souvent présenté comme un fanatique, il apparaît ici comme un sorcier qui a une vision qu'il soutient. A plusieurs reprises, on dit de lui qu'il est très persuasif, comme s'il pouvait altérer l'esprit de ses interlocuteurs pour qu'ils rejoignent sa cause mais, dans le fond, je trouve qu'il n'a pas vraiment besoin de l'être car son discours, du moins celui qu'il tient à la fin du film, n'apparaît pas si radical (il est intéressant de noter ici que, dans les bandes annonces, c'était Dumbledore qui disait du bien des moldus (comme quoi ils n'étaient pas inférieurs, notamment) alors, que dans la version finale du film, c'est le Mage Noir). En outre, Grindelwald est amené à croiser le chemin de certains protagonistes principaux de cette nouvelle saga durant le film et, de manière assez surprenante, le spectateur constate qu'il ne cherche pas à les brusquer ou à les menacer mais simplement à leur parler. La possibilité que le développement du personnage dans les prochains films soit plus sombre n'est pas à exclure, bien entendu, mais j'avoue avoir été surpris par le traitement que lui réserve le film. Par ailleurs, ce dernier s'intitule les Crimes de Grindelwald. Or, à aucun moment, il nous est expliqué en quoi consistent les charges qui pèsent contre lui, ce qui est assez frustrant.


Cette frustration se retrouve également avec l'histoire de la prophétie de Tycho Dodonus, à laquelle on fait allusion à plusieurs reprises sans qu'elle nous soit clairement expliquée, laissant le spectateur, y compris celui qui a de bonnes connaissances sur l'univers d'Harry Potter, sur le bas côté. Ce n'est qu'à la fin, lors d'un cours d'histoire sur la famille Lestrange des plus laborieux qu'il nous est enfin expliqué les tenants et les aboutissants de ladite prophétie qui nous laisse clairement sur notre faim. Là encore, j'ai été d'autant plus surpris par cette histoire autour de l'identité de Credence qui ne fait que perdre le spectateur mais également par le manque d'inspiration de J.K. Rowling qui nous ressert le bon vieux coup de la prophétie. Il en va de même pour l'histoire du pacte-de-sang-de-non-agression qui lie Dumbledore et Grindelwald et qui m'a un peu trop fait penser au délire des baguettes-sœurs. Une belle excuse pour Dumbledore de ne pas aller en première ligne face au méchant du moment ! A croire qu'il trouve toujours le moyen d'envoyer un élève de Poudlard pour faire le boulot à sa place... Jude Law n'a donc pas réussi à me faire apprécier le sorcier le plus aimé de l'histoire, ni à sauver les meubles (en même temps, son temps de présence à l'écran est trop peu important) : mis à part, les costumes et le bon choix de casting pour le jeune Newt lorsqu'il était encore à Poudlard, les points jouant en la faveur des Crimes de Grindelwald se font bien rares. Seule l'écriture du personnage de Queenie a, comme je le disais plus haut, su me surprendre et je ne comprends pas les reproches adressés par les fans à son interprète, Alison Sudol : pour une fois qu'on sort des sentiers battus dans ce genre de film, je ne vois vraiment pas pourquoi les gens se plaignent ! Il s'agit d'un choix osé et qui peut déboucher sur des choses très intéressantes, contrairement à la révélation si "épique" concernant la "vraie" identité de Credence, qui m'a laissé de marbre tant elle m'a paru peu crédible (bizarrement, je n'ai pas pu m'empêcher de faire un rapprochement avec les Derniers Jedi et la révélation concernant les parents de Rey). Je suis très curieux de voir comment va être développée la relation qu'entretient Queenie avec Newt et co, et particulièrement avec sa sœur, Tina, qui fait ici peine à voir.


En effet, le traitement qui lui est réservé est particulièrement brouillon et cliché, de quoi faire grincer les dents du spectateur (à titre d'illustration, on peut, et j'en suis désolé, faire allusion à la scène où Newt lui fait sa déclaration). Sans compter que le personnage de Katherine Waterston n'est pas le seul à être dépourvu d'intérêt : on peut également citée ici Nagini et Vinda Rosier (vous ne voyez pas de qui je parle ? C'est la "main droite" de Grindelwald mais, rassurez-vous, je ne vous blâme pas car j'ai dû me référer à la liste des acteurs pour trouver son nom que l'on n'entend pas une fois dans le film si je ne m'abuse). Pour faire "une pierre, deux coups", pour ce qui concerne ces deux nouveaux personnages, c'est bien simple : on ne sait pas d'où elles sortent et n'apportent, elles non plus, pas grand chose à l'intrigue. Ce postulat me désole dans la mesure où j'avais trouvé que la production avait fait preuve d'intelligence en confirmant, avant la sortie en salle du film, la théorie apparue sur la toile qui portait sur l'identité du personnage de Claudia Kim, de quoi promettre un arc intéressant pour ce personnage que l'on connaît et qui pourtant est, dans le même temps, inédit, tout en nous faisant comprendre que le film réservait d'autres surprises. Cependant, une fois encore, le film manque totalement le coche puisqu'il introduit Nagini beaucoup trop tard : on nous la présente comme étant une amie de Credence, sans que l'on sache comment ils se sont rencontrés, et une bête de foire dans un cirque dont on ne sait rien. L'introduction de ce personnage m'a laissé tout bonnement perplexe car j'ai eu l'impression que j'avais raté un épisode. Il en est allé de même avec le personnage de Poppy Corby-Tuech, bien que ce dernier n'a pas le droit à une miette de développement malgré le fait qu'on ait l'impression qu'il s'agit d'un personnage important. Ne vous y trompez pas : du côté des personnages masculins, certains d'entre eux sont également présents pour meubler le vide. A titre d'illustration, on peut citer ici Grimmson, l'agent double qui travaille pour le Ministère de la Magie, tout en étant dans la poche de Grindelwald, qui contribue à l'aspect cliché du film, ou l'alchimiste Nicolas Flammel, dont l'intérêt, en dehors d'apporter une note de fan service, nous échappe.


A l'inverse, J.K. Rowling a choisi de s'attarder sur Leta Lestrange et il s'agit du parfait contre-exemple de ce qui a été développé jusqu'ici concernant l'écriture des personnages puisque cette dernière se retrouve, malgré elle, au cœur de l'intrigue. Pour illustrer ce propos, il suffit de rappeler que les flash back, qui occupent une part non négligeable du métrage, sont exclusivement centrés sur elle et qu'elle est au milieu d'un triangle amoureux non assumé (à ce propos, on aurait voulu en savoir (beaucoup) plus sur Theseus qui semble être un personnage prometteur). Cependant, comme il a été dit précédemment, toute la séquence qui se déroule dans la crypte et au cours de laquelle Yusuf Kama, personnage énigmatique mais, au final, assez brouillon, explique pourquoi il souhaite retrouver Credence est incroyablement confuse. Autrement dit, soit on n’a pas ou quasiment pas de développement, soit on regrette qu'il y en ait un ! De plus, le volte-face de dernière minute de Leta est des plus surprenants : pourquoi créer toute une back story à un personnage pour le tuer juste après ? J.K. Rowling veut la jouer à la George R.R. Martin ? Ou peut-être qu'elle compte nous refaire le coup qu'elle a fait avec Credence dans ce film, en le ramenant à la vie comme par magie ? Quel que soit la réponse à ces questions, le parti pris peut surprendre.


Pour revenir au personnage d'Ezra Miller, il y a lieu d'admettre que, contrairement au premier film de cette nouvelle saga, celui-ci s'intègre déjà nettement mieux à l'ensemble (même si son introduction est, à l'instar de celle de Jacob, extrêmement laborieuse). En même temps, tout le monde lui court après : que ce soit pour l'utiliser, pour le tuer ou pour le tuer mais pas vraiment, ils veulent tous sa peau ! C'est la raison pour laquelle tout ce beau monde débarque à Paris... Mais pourquoi Paris ? Qu'est ce que vient foutre Credence à Paris ? Pour en savoir plus sur ses parents, vous dites ? Mais où d'où est-ce que ça sort et, surtout, que fait-il dans ce foutu cirque ? Ah… Vous ne savez pas ? Bon, bah nous sommes deux alors ! Plus sérieusement, lorsque l'on apprend que Credence cherche à retrouver ses parents, on ne peut s'empêcher d'être interloqué et d'avoir le sentiment d'avoir loupé quelque chose : l'information nous est balancée sur le tas et on doit faire avec pour suivre le reste (rebelote lorsque Newt décide sur un coup de tête de se rendre aux archives du Ministère français de la Magie). Du coup, et cela ne vous à pas échapper j'en suis sûr, le nouveau terrain de jeu des sorciers des Animaux Fantastiques est notre belle capitale (sans que l'on sache vraiment pourquoi) et ils ne s'en privent pas : entre des appartements qui explosent sur commande, un monstre-fauve qui s'échappe du cirque et des toiles de tissus de la taille d'un pâté de maison qui font office de nouvelle Marque des Ténèbres, les parisiens en voient de belles, ce qui est curieux quand on sait que le monde des sorciers est censé être gardé secret aux yeux des moldus... En dehors de la Ville Lumière, l'action nous ramène à Poudlard, permettant de placer, ici et là, quelques clins d'œil à l'attention des fans, tels que l'Epouvantard ou le Mirroir du Riséd. Même là, je n'ai pas été plus épris que cela par ce retour aux sources (bon faut dire que j'avais revisionné quelques films Harry Potter avant d'aller voir les Crimes de Grindelwald).


En y réfléchissant, le gros soucis de cette saga réside dans le fait qu'elle manque cruellement d'enjeu puisqu'on sait déjà comment vont se terminer certains arcs (notamment celui de Dumbledore, celui de Grindelwald ou encore celui de Nagini). David Yates et J.K. Rowling, pour donner de la matière à leur histoire, ont fait le choix de se focaliser sur le personnage de Credence mais il est très difficile de s'y attacher tant ce dernier est inexpressif et peu (pour le premier film) ou maladroitement (pour le second) développé. A la différence d'un Rogue One où, là aussi, celui qui a de bonnes connaissances sur la saga, en l’occurrence celle de George Lucas, sait comment le film va se terminer, qui a su stimuler l'attention du spectateur et le surprendre, les Animaux Fantastiques peine à faire de même. Les scénaristes ont peut être eu les yeux plus gros que le ventre en voulant raconter cette histoire sur cinq films (une trilogie aurait pu suffire peut être).


Heureusement, en dehors de ces nombreux défauts, le film met en scène une brochette de nouvelles têtes qui s'intègrent plutôt bien dans l'ensemble, à commencer par Jude Law qui, bien qu'il reste en retrait, m'a dans l'ensemble convaincu : une certaine ambiguïté se dégage de ce jeune Dumbledore qui peut se montrer serein face aux agents du Ministère de la Magie mais qui est, dans le fond, très préoccupé par Grindelwald. Ce dernier occupe une place relativement importante dans cette suite (même si son temps de présence à l'écran ne m'a pas paru si long). Pour preuve, il est au cœur des deux grandes scènes d'action du film. Si la prestation de Johnny Depp ne m'a pas particulièrement marqué, j'avoue, en revanche, avoir été choqué par l'illisibilité de ces dernières. En dehors de ces deux grands noms, le reste des acteurs font avec ce qu'ils peuvent. Zoë Kravitz s'en sort sans doute le mieux vu que J.K. Rowling a donné de l'épaisseur à son personnage, au détriment des autres. Même le quatuor du premier film passe à la trappe face à tous ces nouveaux arrivants (seul Eddie Redmayne réussit à faire le lien), c'est dire !


En somme, le principal défaut des Crimes de Grindelwald est, selon moi, d'avoir été trop ambitieux : on veut raconter plein de choses mais, pour que l'ensemble puisse tenir, il faut recourir à des raccourcis scénaristiques, ce qui a pour conséquence de rendre le film laborieux voire même carrément incohérent par rapport aux précédents volets de la saga Harry Potter ! 3/10 !

vic-cobb

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