
On adore l’actrice Valeria Bruni-Tedeschi et son timbre de voix reconnaissable entre tous. Récemment elle nous a encore ébloui à deux reprises. D’abord dans un second rôle marquant, celui d’une mère d’abord enjouée et solaire puis ravagée par la mort de son fils unique dans le sublime « Été 85 » de François Ozon puis dans celui d’une lesbienne amoureuse et larguée aux urgences dans l’excellent film social « La Fracture » de Catherine Corsini. En revanche, en tant que cinéaste on peut être moins emballé par ses films. De l’épouvantable « Il est plus facile pour un chameau » au tout aussi peu engageant « Actrices », ces œuvres étaient vraiment des clichés de films bourgeois intello, ennuyants et éprouvants pour le spectateur. Changement radical pour « Les Amandiers » où elle maintient une part de son style cinématographique mais se dépêtre de la plupart des défauts de ses précédents films. Il en reste, certes, mais ici on est touché et emporté par l’énergie de la jeunesse de cette histoire qu’on suppose hautement autobiographique et inspiré de ses propres cours de théâtre.
Car, c’est incontestable, « Les Amandiers » doit beaucoup à sa jeune troupe de comédiens, tous épatants de naturel et formant l’un des castings les plus homogènes de l’année, empreint de complicité et de complémentarité. Certes, il y a beaucoup de fils de, de frère de ou de fille de. Bruni-Tedeschi est une actrice et réalisatrice venant d’un sérail d’artistes et elle fait tourner son réseau. Si on pourrait déplorer ce copinage, il n’empêche, ils irradient tous la pellicule. On n’en citera que deux, les plus remarquables. En premier lieu, Sofianne Bennacer, véritable ouragan et révélation du film. Alternant la laideur et l’effroi de la toxicomanie avec le charisme et le magnétisme ténébreux des plus grands charmeurs, c’est ce que l’on appelle communément une vraie gueule de cinéma. Ensuite, le toujours surprenant Louis Garrel épate encore dans le rôle du directeur de théâtre Patrice Chéreau, une composition folle et jubilatoire dont il a le secret. Malheureusement, quelques scories subsistent dans ce nouveau long-métrage. Le tout est un peu long et le début enthousiasme autant qu’il fait peur. Certaines séquences en forme de digressions inutiles comme la partie à New York auraient pu être coupées au montage. Également, tout cela est parfois un chouïa outrancier et certaines reprocheront encore un aspect clairement film d’auteur français pur jus. Mais c’est plus assumé et en accord avec le sujet.
Bruni-Tedeschi partage ainsi ses souvenirs de jeunesse, des fragments de vie cristallisant aussi bien la Vie et l’insouciance de la jeunesse que le métier de comédien. Cet aspect autobiographique donne du poids à cette chronique entre légèreté et tragédie. En effet, le spectre du Sida et celui de la toxicomanie plane sur « Les Amandiers », mais l’équilibre entre drame et humour est tenu. Il y a un côté évanescent, brûlant et envoûtant par intermittences dans ce beau film. Il est parcouru d’instants de grâce, de fulgurances. Par exemple, cette séquence où trois élèves apprennent qu’elles sont négatives au test du Sida et se réjouissent en célébrant la vie sous une pluie battante ou encore celle, bien plus triste, où, lors d’une virée en voiture, un regard suicidaire en dit long pendant que joue une chanson de Balavoine. D’ailleurs la bande originale est parfaite et cette insouciance propre aux années 80 traverse l’écran, notamment grâce au grain particulier de la pellicule. Un beau film, non dénué de quelques notes d’humour bienvenues, dont on sort à la fois triste, nostalgique et joyeux.
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