Pour ce huitième film de sa carrière, le génial Quentin Tarantino nous livre un huit clos de près de trois heures et qui s'inscrit dans le plus pur style Tarantinien. Le film prend différentes tournures tout au long de ces trois heures : western, policier, road movie, et bien sûr huit-clos façon Reservoir Dogs... Quentin nous entraîne dans son univers et ne nous lâche plus.


Après Djando Unchained, le réalisateur avait placé la barre très haut, et on retrouve certains éléments dans Les 8 salopards, comme bien sûr l'époque mais aussi le (les) personnage du chasseur de prime ou encore une réflexion sur le racisme terrible qui succède à la guerre de sécession, jusque dans les froides montagnes du Wyoming.
La musique est plus sobre que d'ordinaire, ce qui n'est pas étonnant pour un huit clos mais accompagne parfaitement l'image quand il le faut (notamment dans un sublime travelling latéral ralenti en gros plan sur les chevaux de la diligence)


Côté scénario, on a du grand Tarantino. Ce fameux scénario qui avait souffert de fuites et poussé Quentin a envisagé de faire des 8 salopards une pièce de théâtre (Il semble même que cela va quand même se produire) : c'est exactement une pièce de théâtre qui se déroule sur l'écran. Les personnages sont des comédiens au caractère bien trempés et la mise en scène est tout à fait théâtrale, puisque la majeure partie du film a lieu dans une unique pièce, dans laquelle les personnages entrent et sortent, mangent, se disputent, se tuent... Cet idée est renforcée par les "chapitres" qui divisent le film tels des actes.
Il faut toute la première moitié du film pour bien installer les personnages frigorifiés dans ce relais mystérieux où quelque chose semble clocher. Tarantino n'a encore tué personne malgré quelques coups de poings bien placés et des dialogues croustillants plus qu'il n'en faut. On sent la pression monter tout au long de cette partie jusqu'à ce que le film commence à s'apparenter à une enquête policière style Agatha Christie, avec des personnages très variés : Un chasseur de prime obstiné qui trimballe sa prisonnière attachée à lui, un chasseur de prime noir, un shérif, un bourreau, un général sudiste, un cow-boy fleur bleue, un étrange mexicain et un cocher...Qui n'est pas celui qu'il prétend être? Qui a empoisonné le café? Pourquoi Minnie et Dave sont-ils absents? Le major deviendra même enquêteur quand les circonstances l'y obligeront.


Les personnages représentant les huit salopards sont tous haut en couleur. Aucun n'est tout à fait blanc ni complètement soupçonnable, et tous ont un fort caractère et sont imprévisibles. Contrairement à un thriller classique, Tarantino nous plonge dans cette atmosphère de doutes et de méfiance alors qu'aucun crime ni méfait n'a encore été commis.
Le meilleur est pour moi de loin Samuel Jackson, acteur fétiche de Quentin, en major Marquis Warren, ex-officier noir combattant pour sa survie et contre les mentalités racistes d'une Amérique d'alors qui n'avait rien à envier aux heures sombres de l'Apartheid. Sa fameuse lettre de Lincoln lui apporte une crédibilité encore plus grande et une dimension spirituelle spéciale, qui vient contrebalancer sa violence et sa brutalité qui atteint son sommet dans la scène où il raconte au général confédéré le traitement spécial qu'il a réservé à son fils venu pour le tuer.
Au passage je m'interroge toujours sur la raison pour laquelle certains parviennent à traiter Tarantino de raciste sous prétexte que ses deux derniers films regorgent d'insultes envers les noirs. Il ne fait que recréer une ambiance bien réelle il y a 200 ans pour un film qui se déroule à cette même époque ; par ailleurs les personnages qui les prononcent sont parmi les plus détestables qui soient.
Si on a une légère préférence pour lui ou bien Le Bourreau interprété par Kurt Russel (qui se montre plutôt humain par moments, en refusant d'abandonner à leurs sorts Warren ou le shérif par exemple), il est pourtant impossible de dire qui sont les méchants, les victimes, les "vrais salopards"...
La guerre de sécession qui reste l'une des plus grandes cicatrices américaines est très présente, avec des personnages nordistes et sudistes, qui l'ont chacun vécu à leur manière, et influe sur leur comportements et leur rapport avec les autres.


Finalement les coups de feu et la violence à l'état pur débarque, comme Tarantino sait si bien la montrer, du sang qui gicle, des cervelles qui explosent, etc... Bref un excellent Tarantino dont tous les films sont décidément des cadeaux à ouvrir au plus vite.

Vico-le-Bel
9
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le 13 janv. 2016

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