Après Django Unchained, son western très acclamé, Quentin Tarantino, réalisateur apprécié tant par les cinéphiles que par le grand public, reprend la route vers l'Ouest avec son neuvième film, les 8 salopards (ou huitième, si l'on considère les 2 Kill Bill comme un seul et même film). Tarantino réunit ici un casting d'exception, dont certains de ses habitués (Samuel L Jackson, Michael Madsen, Tim Roth ou encore Kurt Russell). Le budget est moins élevé que celui de ses 3 précédents films mais est tout de même conséquent (44 millions de dollars). Cette baisse de budget est probablement due au huis clos.


Le film est divisé en six parties. Les deux premiers chapitres, ainsi que le sixième, sont pour moi la partie "western" du film et les autres forment la partie "thriller".

Les Huit Salopards : un film qui reprend de nombreux codes du western



Car oui, the hateful eight est avant tout un western, mais tout de même un western curieux. D'abord, un western où il neige, et surtout un western où il n'y a pas de figure de héros, contrairement à Django Unchained. Ici, le major Marquis Warren (Samuel L Jackson) a déjà sombré dans la violence depuis longtemps, ayant combattu durant la guerre de Sécession. Warren croise donc la route de John Ruth, chasseur de primes et de Daisy Domergue, prisonnière de ce dernier. On retrouve alors la diligence, symbole du western, qu'on va suivre durant ces deux premiers chapitres. Les personnages sont vites rejoints par un jeune shérif sudiste, autre élément rappelant les westerns "traditionnels", si j'ose dire, même si il n'a rien d'un John Wayne ou d'un Rock Hudson, mais plutôt d'une petite teigne raciste comme on peut en trouver dans certains films de gangsters. Mais, par je ne sais quel tour de force, Tarantino réussi à rendre le personnage attachant. Mis à part 1 ou 2 personnages, les protagonistes ne sont pas des archétypes de personnages du Far West. Ici, ce sont des animaux qui sont montrés : sales grossiers et violents, comme dans les films de Leone mais en pire.


Quant à la qualité de l'image, elle est superbe et les décors extérieurs magnifiques (cf l'intro du film). Le format est ici l'Ultra Panavision, qui n'avait été jusqu'alors utilisé que pour les grandes productions des années 1960 (Ben-Hur, How the West was won, Les Révoltés du Bounty...), et le film dispose aussi d'une haute résolution numérique. Le film est tourné en 70 mm


(si ça dit quelque chose à quelqu'un, qu'il me le signale parce que je ne m'y connais pas du tout en taille de pellicule ^^)


Enfin, les 2h47 du film sont passées étonnamment vite pour moi.

Les Huit Salopards : un thriller poignant sur la quête de la vérité (ou du mensonge)



L'ambiance thriller et film d'enquête se fait ressentir dès l'arrêt des personnages dans l'auberge de Minnie, qui est d'ailleurs absente de l'histoire principale. Tous les personnages sont introduits et tous paraissent suspects. Les interrogatoires commencent, et la méfiance s'installe. Mais qui de ces huit salopards ment ? C'est la question qui vient tout de suite à l'esprit du spectateur. Et il faudra encore 2 heures pour y répondre. Mais en deux heures, Tarantino va nous livrer de nombreux retournements de situation ainsi que des réflexions sur le mensonge et sur l'Amérique raciste post-Guerre de Sécession.


Le mensonge est en effet au cœur du récit. D'abord avec les récits mensongers de Tim Roth et Michael Madsen, se faisant passer pour ce qu'ils ne sont pas, puis avec la lettre de Lincoln. Cette lettre est le cœur même du récit, nourrissant les différents propos. À partir du moment où l'on sait que c'est un mensonge, on peut douter de l'existence même de la scène de viol décrite par Warren. Ne serait-ce qu'un prétexte pour pouvoir se débarrasser du vieux général ? On ne le saura jamais, car après le décès du confédéré, les évènements s'enchaînent rapidement et on en arrive au point culminant du film selon moi : l'empoisonnement. Vu par l'intermédiaire de Warren, puis en caméra subjective, cette scène rappelle les meilleurs moments du cinéma de Tarantino, de la scène de l'Ezekiel 25:17 revue deux fois dans Pulp Fiction à l'effet Rashômon de Jackie Brown. Bon, après je ne m'attendais pas à un sort si brutal pour Kurt Russel, mais c'était un salaud, il le méritait. Pour ce qui est du racisme post-Guerre de Sécession, il est présent, d'abord dans les hostilités venant des sudistes vis à vis de Warren, puis tous les autres "salopards" deviennent hostiles envers lui dès qu'ils apprennent que la lettre était fausse. L'illusion a donc marché le temps du mensonge, mais les personnages montrent alors leur racisme et leur animosité. Le sexisme est aussi bien présent chez les "salopards", qui n'hésitent pas à battre la pauvre Daisy, bien que détestable elle aussi.


Toute la scène du flashback à la fin est, elle aussi, extrêmement bien tournée, ainsi que la fusillade finale et la pendaison.


Aussi, je souhaiterais mentionner la musique de Morricone, dont les titres "L'Ultimma Diligenza Di Red Rock" ou encore "La Lettera di Lincoln" rappellent ses meilleures musiques de films. Il Maestro a aussi réutilisé des morceaux inédits de la bande originale du film "The Thing" de John Carpenter.


Donc, comme d'habitude, Tarantino nous livre son propos de manière très subtile, dans un film qui innove et crée presque un nouveau type de western.

JojoSkywalker
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le 16 avr. 2022

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