Ils sont quatre, effectivement. Et c'est la seule promesse tenue par le film.

Je le confesse, je voulais vraiment aimer ce Fantastic 4. Bien sûr, comme n'importe quel être humain doté d'un semblant de raison, j'avais eu très peur en voyant les bande-annonces, et allez savoir pourquoi, j'avais envie qu'on me donne tord. Sans doute était-ce un léger syndrome du chevalier blanc, une envie de défendre un film que personne n'avait encore vu mais que tout le monde pourrissait à l'avance, plus souvent à tort qu'à raison. En tous cas, rien n'y a fait : malgré ses nobles intentions, le film est un four complet. Et une très bonne leçon en ce qui concerne l'adaptation de comics au cinéma.


Le départ, quoique mou et cliché, n'avait pourtant rien de honteux. Oui, le fait que Reed parvienne à fabriquer une ébauche de téléporteur dans le garage familial est stupide. Oui Ben Grimm ne sert strictement à rien dans cette partie, et n'est là que pour que soit justifiée par la suite sa présence au moment où nos héros acquièrent leurs pouvoirs. Oui, Viktor Von Doom est une parodie de savant/geek/nerd trop enfermé dans ses délires scientifiques pour réussir à avoir des relations sociales qui tiennent la route. Et oui, Johnny Storm est un personnage qui arrive comme un cheveu sur la soupe et dont on a du mal à comprendre l'utilité dans l'équipe. Mais bon, ce premier (très) gros tiers du film a au moins le mérite de tenter de poser une présentation des personnages un tantinet plus fouillée que ce qui se fait d'habitude, même si ce n'est pas efficace pour autant. J'ai même apprécié par moment la dynamique du groupe, notamment la soirée de beuverie qui précède l'accident qui donnera à l'équipe leurs pouvoirs, et j'ai aimé l'ambiguïté de Von Doom, qui semblait alors être le 4ème Fantastique de l'équipe – aux dépends de Ben, complètement absent.


Sauf que forcément, 50min pour une introduction c'est long, surtout sur un film d'1h40. Et forcément, ça rushe complément la suite des événements.


Après s'être envoyés dans une dimension parallèle sans qu'une seule alerte ne soit déclenchée dans le complexe scientifique, si ce n'est sur l'ordinateur de Sue (ouf, bonne coïncidence !), nos personnages reviennent avec de nouveaux pouvoirs et sont enfermés dans une sorte de pseudo zone 51 pour être étudiés, puis exploités par les vilains capitalistes du film (facilement reconnaissables à leur costume noir, façon méchant Disney). Et là, ça devient un gros bordel. Reed s'enfuit, et POUF par magie, une grosse ellipse d'un an nous permet d'avancer un peu plus dans le scénario, juste pour permettre à Reed de se faire capturer une nouvelle fois. Sa fuite n'aura servi à rien, pas même à réellement ébranler la confiance de ses compagnons : on n'a plus le temps pour ce genre de chose, même si l'idée est brièvement évoquée. Nous sommes à plus d'une heure de film, on n'a toujours pas vu de baston, il est temps de ramener Von Doom d'entre les morts pour que ça change.... enfin dans l'idée.


Parce que dans les faits, les combats se révèlent tout aussi mous que les scènes de dialogue. Doom éclate tous les membres du centre par la seule force de la pensée, mais reste plutôt civil avec ses anciens collègues qu'il se contente de repousser mollement. Il enchaîne les one-liners pourris, nos amis se font terrasser les uns après les autres, jusqu'à ce que Reed ait ENFIN l'idée du siècle : et si ils l'attaquaient à plusieurs ? Une fois ce plan admirable mis en œuvre, il faut moins de 5min à Von Doom pour se faire massacrer. Il n'en faut guère davantage pour que nos héros soient félicité d'une virile claque dans le dos, se voient dotés d'un nouveau complexe scientifique, et trouvent enfin un petit nom à leur groupe. Enfin le générique de fin se déroulent sous nos petits yeux fatigués, et vient le temps de la réflexion...


Josh Trank a très vite renié son œuvre, expliquant que le produit final ne reflètait en rien sa vision de départ. Selon lui, la Fox aurait amputé le film de très nombreuses scènes indispensables à la bonne compréhension des choses. Pire encore, de nombreuses scènes auraient été tournées sans son autorisation et rajoutées après coup, le tout amenant à une aventure d'à peine 1h40 (très courte donc, selon les standards actuels) montée à la machette. Le résultat correspond effectivement à ces remarques : on sent à chaque instant que beaucoup de scènes clefs manquent. Cependant, Trank est loin d'être exempt de reproche. Car même s'il avait eu une parfaite liberté, Fantastic 4 aurait éventuellement pu être un film décent, mais il serait resté une très, TRES mauvaise adaptation.


Je m'explique : les 4 Fantastiques sont, je pense, l'archétype du comic familial et sympa à lire, qui peut parfois aborder des thèmes graves mais qui, dans son ADN, reste avant tout un divertissement fun. Et c'est une dimension que Trank a TOTALEMENT zappé. Aveuglé par son désir de réalisme, par son admiration pour des films de super-héros allant dans ce sens comme la trilogie Batman de Nolan, il n'a pas compris qu'il trahissait totalement l'esprit de la licence et ne pouvait que la dénaturer, qu'importe ses bonnes intentions. Fantastic 4 ne pouvait pas marcher, parce qu'à aucun instant on ne reconnaît le matériel de base qui est derrière. C'est d'autant plus flagrant que les dialogues se sentent sans arrêt obligés de réaffirmer les identités de tel ou tel personnage, comme si on ne nous pensait pas capable de les identifier facilement et rapidement. Et c'est en effet parfois une précaution nécessaire.


Bref, vous l'aurez compris, Fantastic 4 est un mauvais film. Je ne doute pas de la bonne foi du réalisateur dont on peut voir qu'il s'est vraiment mouillé, mais le résultat n'est vraiment pas à la hauteur et n'aurait sans doute pas pu l'être même si les studios avaient davantage coopérés. C'est dommage, car je persiste à croire que la licence à un réel potentiel et pourrait trouver son public si on décidait ENFIN de la laisser parler pour elle-même. Si des films comme Avengers, Guardians of the Galaxy, Batman ou encore Iron Man ont si bien fonctionné, c'est précisément parce qu'on a laissé les spécificités de chaque licence s'exprimer d'une façon ou d'une autre. C'est parce qu'on a conservé leur ADN, et ce même si certaines grandes libertés ont quand même été prises.


Et c'est un constat qui est d'ailleurs valable pour toutes les adaptations qui sortent en ce moment, et qui ont une fâcheuse tendance à se standardiser de plus en plus... Fantastic 4 est une triste leçon de cinéma dont les studios auraient beaucoup à apprendre.

Sigynn
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le 19 août 2015

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