Une belle, grande (et toute puissante) famille (américano-américaine) !

Nous avons ici affaire, malgré la situation géographique londonienne, donc britannique, du film, à un bon vieux film américanisant prônant contre vents et marées les valeurs salvatrices et inaliénables du cocon familial - Disney oblige... Cette idéologie est lissement incarnée par le couple Roger/Anita, à qui vient comme par magie le désir marital et "l'heureux évènement" dans la plus platonique et kantienne des relations de couples - mis à part une métaphore d'une finesse incomparable, mettant en parallèle leurs torrides ébats, devine-t-on, se déroulant hors-champ, avec leurs habits, prenant feu subitement au bord de la cheminée.

Le bonheur familial est alors parfait à ceci près que le fléau impitoyable du nom de Cruella D'Enfer, ogresse frigide, qu'incarne Glenn Close - cabotinant à souhait dans ce rôle jubilatoire s'il en est - vient frapper à la porte: le monde du travail et tout son lot de solitude et de superficialité modernes réclame. Une maison de haute couture de renommée mondiale, toute de noir et de blanc, à l'image de celle qui en tient les rennes, où l'on ne rencontre guère autre chose que métal et de grandes baies vitrées ainsi que des figures fantomatiques recouvertes du frivole objet du désir de ce film: la fourrure... Environnement fastueux, obsolète et superficiel qu'Anita ne rejoindrait pour rien au monde après avoir connu les doux avantages du foyer.

Mais où sont les dalmatiens éponymes dans tout ça ? Ils font quant à eux office de vecteurs des valeurs familiales, comme si elles étaient naturelles, voire innées, chez eux: ils causent la rencontre, précèdent leurs maîtres dans la création d'une famille... On affuble les bêtes de la moralité qui manque aux hommes - pensez à la scène du téléphone arabe animal où l'on s'entraide à qui mieux mieux sans même se connaître.
Ce n'est pas tout, bien entendu car ce sont encore les animaux et tout particulièrement les chiens qui recréent l'équilibre en donnant par exemple à leur maître l'idée qui fera de son jeu vidéo un succès - certes, ça occasionne du travail, ce qui pourrait être contradictoire, mais c'est bien la femme qui doit rester au foyer, nan ? - ou alors en mettant en branle les adversaires à coup de solidarité pure et de bonnes intentions, à tendance plutôt sadique. Ainsi, l'autre couple marquant du film, celui des bandits, implose progressivement et se délite de par son intrinsèque incompatibilité. Skinner, le fourreur aveuglé par sa haine envers les animaux et tout particulièrement les chiens - encore une fois, peut-être une application de l'adage spécifiant qu'il s'agit du meilleur ami de l'homme - ne voit pas le chien arrivé sournoisement derrière lui pour lui mordre le cul. Enfin, Cruella dont la nature refait matériellement surface et prend le pas sur son apparence, est ridiculisée, littéralement roulée dans la merde. En fin de compte la dernière séquence, dans le plus pur style "Maman, j'ai raté l'avion", fait office de séquence cathartique où l'objectif est la punition collective, qui se conclue gracieusement avec celle du putois dans le panier à salade...

Tout compte fait le film n'a rien de plus à dire que rien ne vaut la fervente fondation d'une immense famille - pensez au dernier plan, éloge de la "femme-four-à-pain" (on enfourne et neuf mois plus tard débarque une nouvelle fournée) -, de surcroît d'une manière passablement démagogue et fédérateur. Rien de bien méchant néanmoins, ne diabolisons guère, mais rien de bien fantastique ou transcendant, n'espérons pas trop...
JulienGris
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le 23 déc. 2011

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JulienGris

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