Jusqu’ici, j’ai toujours eu pour habitude de parler de longs-métrages, peu importe l’époque. Mais, pourtant, jamais je n’avais pris le temps de parler plus en détail d’un film que j’ai toujours considéré comme étant un pilier du septième art et un élément majeur de son histoire : Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès. Ce film fut réalisé à l’aube du XXe siècle, à une époque où le cinéma était très différent de celui qu’il est aujourd’hui, mais cela n’empêche pas les films de Georges Méliès d’avoir une influence majeure sur ce qu’il est devenu, bien au contraire.


Le Voyage dans la Lune nous renvoie à l’époque d’un cinéma encore originel, balbutiant, mais plein de potentiel. La première projection du cinématographe Lumière ne datait que de sept ans, mais, toutefois, le cinéma avait déjà fait de grands pas depuis, et ce notamment grâce à un certain Georges Méliès. Le prestidigitateur de métier s’était approprié l’outil cinématographique depuis 1896 et comptait déjà nombre de petits court-métrages bourrés de trucs et de créativité. Et c’est bien son Voyage dans la Lune qui va le mener définitivement sur la voie du succès, et bouleverser le paysage cinématographique mondial. Car si les prises de vue des frères Lumière consistaient principalement en des documentaires primitifs, les films de Méliès s’aventurent dans le domaine de la fiction, nous font voyager dans d’autres mondes et mettent sur pellicule maintes fantasmagories émanant de l’esprit génial de Méliès. Et le succès retentissant du Voyage dans la Lune va définitivement confirmer l’appétence du public pour ce cinéma prônant la magie et racontant des histoires incroyables et impossibles.


D’un point de vue purement visuel et technique, Le Voyage dans la Lune est un film typique de l’époque, muet, avec des scènes se déroulant dans un cadre statique et se suivant simplement. La caméra ne bougeait certes pas, mais les personnages s’en donnent à cœur joie, et malgré l’absence de paroles audibles, on parviendrait presque à discerner les débats endiablés entre les savants, ou leurs cris de stupeur lors de leur arrivée sur la Lune. On retrouve ici bien tout ce qui fait le cinéma de Méliès : ses grands décors bigarrés et foisonnant de détails, qui glissent et se succèdent dans son grand studio, ses trucs qui font apparaître et disparaître des personnages, qui font voler une étoile filante, etc. Le Voyage dans la Lune est un joyeux florilège d’effets spéciaux représentant ce qui se faisait de mieux à l’époque et qui n’a toujours aujourd’hui de cesse de nous surprendre.


Georges Méliès réalise ici un film qui nous ferait penser à un roman de Jules Verne. Le schéma narratif du film est d’ailleurs précurseur d’une grande partie des films d’aventure et de science-fiction qui vont lui succéder : un savant élabore un plan pour partir en exploration dans un endroit reculé ou inconnu, il se heurte à des avis contraires, l’équipe part tout de même et arrive sur les lieux, elle se confronte à une population hostile, l’équipe est retenue par la population locale, elle finit par s’enfuir, et revient chez elle. On retrouve par exemple ce schéma dans Le Monde Perdu de 1925, un film également précurseur à bien des égards.


Le Voyage dans la Lune est une pierre angulaire du septième art. Il est impossible de résumer l’histoire du cinéma sans penser à ce film ô combien fondateur, extrêmement novateur, et encore bluffant aujourd’hui. En très peu d’années, le cinéma a su se diversifier et se développer à une vitesse phénoménale, notamment grâce à des hommes comme Georges Méliès ou ses homologues anglais de l’école de Brighton. L’histoire du cinéma s’apparente, en quelque sorte, à celle de l’univers selon la théorie du Big Bang : tout est parti très vite, tout a été créé dans les premiers temps et, depuis, cet univers est en expansion. Et si le cinéma a su devenir un art foisonnant et prolifique en œuvres incroyables et fascinantes, il doit beaucoup à Georges Méliès, qui trouve son apogée dans Le Voyage dans la Lune, un film mythique, fruit d’un génie malheureusement oublié à travers les années.

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le 12 janv. 2018

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