
Comme beaucoup, je trouve la mafia italienne particulièrement fascinante, mélange de grandeur et de décadence, où le luxe ne cache jamais l’horreur et l’enfer qui y règne. Sans compter tout ce qu’on peut y ajouter de part de mystère, de coulisses du pouvoir, d’impact sociopolitique, etc. Ajoutons à cela toutes les approches sont possibles, du lyrisme à la Coppola au réalisme esthétique de Scorsese, sans compter un autre réalisme propre au cinéma italien, du politique à la Francesco Rosi en passant par l’approche documentaire d’un Gomorra.
Je ne connais pas très bien Marco Bellocchio, mais je sais qu’une de ses marques de fabrique est de partir d’un destin individuel pour parler des dysfonctionnements de l’Italie, ce qui en général m’intéresse fortement comme approche. Je sais aussi que ce qui gravite autour de la figure de Tommaso Buscetta est éminemment complexe, et n’aurait jamais pu être résumé en un film, même de 2h30. C’est le premier problème d’Il Traditore : la multitude des personnages, les tenants et aboutissants de tous les événements (la seconde guerre de la mafia, le juge Falcone, le procès contre Andreotti) et la quantité d’informations à digérer sont tels qu’on finit par être un peu dépassé par le film, à moins de bien connaître le sujet.
Bellocchio en a peut-être conscience, car il multiplie pour le spectateur les effets de mise en scène avec plus ou moins de bonheur (les meurtres brutaux de la mafia, la musique ironique de Nicolas Piovani, le premier procès guignolesque, quelques plans marquants comme les interrogatoires de la police brésilienne, et puis surtout
la mort du juge Falcone, caméra embarquée dans la voiture au moment de l’attentat de Capaci, symbole littéral de l'ascension du juge avant sa chute, d’une violence et d’un lyrisme impressionnants).
Paradoxalement, il n’évite pas non plus des facilités poussiéreuses en 2020 (la séquence de rêve de Buscetta, l’arrestation de Totò Riina avec en montage parallèle des hyènes en cage) et le reste de la mise en scène me fait terriblement penser à un téléfilm par moments (j’ignore si cela provient du cadrage, majoritairement en plans moyens, ou du rendu de l’image elle-même).
Tout ça pour dire que le film est dense, complexe, trop sans aucun doute, et étrangement trop long sur certaines parties (une petite demi-heure de moins n’aurait pas fait de mal, curieusement). La dimension tragique du personnage de Buscetta et l'incroyable interprétation de Pierfrancesco Favino sauvent très majoritairement les meubles d’un film qui aurait dû être une mini-série en soi. Pourquoi ai-je donc eu du mal ? Peut-être parce que le genre est devenu trop balisé pour tolérer les écarts un peu trop grands sans laisser quelques spectateurs sur le côté.