Gloire et décadence d'un mafieux

Le film commence par une scène de fête comme dans Le parrain. Celle-ci marque une trêve dans la guerre des clans, tout le monde est là avec femme et enfants, comme dans Le parrain. Et dès la fête passée les règlements de compte se multiplient, comme dans Le parrain. Il y a même un clan Corleone... Mais l'analogie s'arrête là. Ce n'est pas un film de gangster. La caméra virtuose de Bellocchio nous offre un biopic de mafieux qui oscille souvent avec le film de procès.


A tout ceux qui ont connu un tant soit peu les années 80 certains noms résonneront dans leur mémoire : le juge Falcone, le procès de Palerme, Toto Riina... Cette époque de l'histoire italienne est dépeinte à travers la vie de Masino Buscetta (campé par un P. Favino impeccable), un des plus importants homme de main de la mafia sicilienne. Le film se concentre sur la partie de sa vie correspondant à son "repentir", sur fond de guerre des mafias. Le film ne prend pas partie et ne fait l'apologie ni de la mafia ni de la justice. Il essaye de montrer les hommes et leurs sentiments, et ainsi de comprendre le choix de leurs actes. On voit ainsi se tisser des liens entre Masino et ses "ennemis" de l'Etat: de l'estime avec Falcone, de l'amitié avec les policiers chargés de sa protection, etc.


Individuellement Masino est un traître, il va témoigner contre d'autres mafiosi pour les faire tomber. Collectivement ce sont eux les traîtres. Ils ne respectent plus les règles tacites et séculaires de Cosa Nostra en premier lieu celle de ne pas toucher aux enfants. Hors quoi de plus sacré que la famille pour un sicilien ? C'est ce que Masino explique dans une des scènes de procès " ils ont fait pire que la police, ceux sont eux les responsables, ils ont tués Cosa Nostra." Les nouveaux parrains ont trahi l'institution. 
Au début Masino refuse de parler puis il comprend que tout en aidant la justice et protégeant sa famille il peut instrumentaliser le procès pour accomplir sa vengeance et celle de son clan décimé. C'est là tout l’intérêt des scènes de procès : les joutes oratoires entre Masino et le clan Corleone. Ces procès sont parsemés de scènes burlesques (ou pathétiques c'est selon, quand on se dit que tout est tiré de faits réels ). Ce sera finalement quand il s'attaquera à sa cause la plus juste (faire tomber un politicien véreux) que Masino se verra rattraper par son passé mais aussi par son âge. L'orateur flamboyant apparaît alors usé et fatigué, sans ressources... Gloire et décadence d'un homme comme un autre. 

Desman
8
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le 3 nov. 2019

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