L'enfermement claquemure le corps comme s'il était dans un cercueil. J'ai négocié mon apparence pour donner le change, ils me prennent pour un homme, un petit tas de poussière. Un des leurs.

Ma boîte n'a pas de fenêtres. Alors, au fusain, je gratte des feuilles de papier pour m'en faire quelques unes sur l'Italie, sur Paris.
Ils enferment ton corps mais il n'y a rien pour entraver l'esprit. Il flotte et a toujours faim.

Ils m'ont rangé dans une cage, comme si le Mal pouvait se tarir et peut-être disparaître. Comme si le Mal pouvait être mis à mal. Confiné en sous-sol, loin des yeux, pourtant mon ombre plane et reste à l'affût, à l'arrière-fond de leur mémoire, prête à jaillir.

Nous avons toujours été là et nous serons toujours là. Les guerres nous permettaient d'étancher notre goût du sang, d'être décorés pour ça parfois. Que ce monde est stupide et vain si on ne s'attache pas à l'ausculter, à le disséquer et à le dévorer. La chair me manque. Mais moins que de me nourrir de tous ces maux qui flottaient et que je savais attraper. Je n'ai plus droit qu'à la cohorte des cloportes qui n'ont rien à cacher.

J'ai traversé plus dur qu'un homme aurait pu supporter. Je suis ici pour la partie visible de l'iceberg de mes crimes. C'est charmant de voir s'agiter ces insectes, ils se croient protégés par leurs protocoles de sécurité.
Chilton et ses sbires, de petits tas de poussière sur lesquels je pourrai souffler si l'envie m' en prenait.

Et puis te voilà, petite bout de femme, et soudain, tout un tas de couleurs éclatent. Au premier regard, j'ai seulement su ta soif, Clarisse. De grands yeux où se perdre plus sûrement qu'observer à travers n'importe quel carreau, dans n'importe quelle partie du monde. Si on me demandait où je voudrais être aujourd'hui, après t'avoir toisée et m'être joué de toi, ma réponse serait : ici, à attendre que tu reviennes me rendre visite. L'amour, petite Clarisse.
Te voilà, Crawford t'a voulue lisse, sans aspérités, sortant de l'école, un jouet pour le plus grand des prédateurs. Comme si les fêlures ne se nichaient pas dans les murs qui paraissent les plus sains. Comme si mon cœur était, comme ils le pensent, vide et aussi froid qu'un caillou.

J'ai rêvé de toi, Clarisse. Il y avait des lettres noires, comme sur un faire-part. Dans mon rêve, tu cours et l'automne fait chanter tes pas. Tu cours vers moi, droit dans mes bras. Ce qui t'empreinte pour m'en nourrir, je veux lire dans tes yeux que tu ouvres la porte sur le bleu de ton âme. Comme dans mon rêve, pour moi.

Viens, petite Clarisse,
Les agneaux sont silencieux.
Viens près de moi, et je te protégerai.

http://www.senscritique.com/film/Hannibal/critique/17332580
DjeeVanCleef
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le 7 juil. 2014

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