Belle journée. Le soleil brille. Dans les rues on entend les citadins vaquer à leurs activités mercantiles. Je sors du Lux, tranquille, je fais mes achats, tranquille. Quand soudain, un homme en bure noire tout pourrie apparaît devant moi, il fait froid d'un seul coup, on entend des corbeaux, le ciel devient gris, les rues se sont vidés d'un seul coup et les pâtisseries dans la vitrine d'à côté se mettent à pourrir...



  • Bonjour. Tu es bien Housecoat ? Le dieu des cookies ?

  • Lui-même. Et vous, vous êtes qui ?

  • ...

  • J'ai pas entendu.

  • Je sais bien qu'on dit que l'habit ne fait pas le moine mais quand même, t'as pas une petite idée ?

  • Alors tu es soit La Mort, soit le batteur de Iron Maiden.

  • Très drôle...

  • Donc tu es La Mort (parce que c'est pas sympa pour Iron Maiden quand même). Pas facile de te reconnaître sans ta faux. Et je t'imaginais avec une tête de mort, là on dirait un junky qui a perdu sa dose d'héroïne.

  • On arrête pas de me le dire. Que le look moyen-âge c'est démod...mais qu'est-ce que je raconte ? Bref, je viens te chercher, c'est fini.

  • Quoi ? Déjà ?

  • Dis, t'as assez vécu quand même.

  • Techniquement je vis depuis l'aube des temps, mais c'est chiant de changer de corps à chaque fois. Je refuse de te suivre.

  • T'as pas le choix !

  • Bon d'accord, je te propose un deal. On joue à un jeu et si je gagne je reste en vie.

  • Tu crois être le premier à me sortir cette combine ? Je n'ai jamais perdu une seule partie depuis le commencement des temps.

  • Et c'était quand pour toi ?

  • Un Mardi (peu de gens le savent). Et c'est quoi ce jeu ?

  • Les cartes sont chez moi. Suis-moi, on rentre et en chemin je te raconte le film que j'ai vu, tu y étais d'ailleurs, et sous une meilleure mine.

  • D'accord. Raconte.

  • Le Septième Sceau d'Ingmar Bergman...

  • Ah oui j'aime ce film ! Mais ne crois pas que tu vas m'échapper en me flattant...


Un inconnu sur une plage, visiblement un chevalier. Le voilà qu'il rencontre un homme en bure noire, facile à deviner, La Mort. Rien n'est dit. Une hallucination ? Un concept? Un véritable esprit ? Un surréalisme austère. Chaque apparition est un pivot, seul véritable allégorie du film, ni d'apparition de Dieu ou de Satan, apparaissant souvent dans l'habit d'un prêtre. D'aucun diront que c'est une symbolique perverse parmi tant d'autres dans ce film et je ne tenterai pas le Diable (ha...ha) en tentant de décortiquer ce qu'Ingmar Bergman avait en tête, mais il semble s'être bien débrouillé pour que nous y voyons nos propres interprétations.


A titre personnel, je ne me considère pas comme athée car je ne suis pas fermé à l'éventualité qu'une force supérieure dirige nos vies mais je considère tout le reste comme des bondieuseries. Disons que c'est bien le dernier de mes soucis. Et ma vision de la religion sera exprimée de façon simple et brève: elle apporte surtout des emmerdes, plus que du bien. (là c'est Rayane qui parle et pas Housecoat. Vous vous doutez bien que le dieu Cookiste ne dirait pas ça, c'est un coup à perdre ses fidèles).


A travers mon point de vue, j'ai envie d'y voir une véritable critique acerbe de la religion. Conduisant ses fidèles à des Croisades sanguinaires, à mener une vie aux côtés de La Mort. Côtoyer de près cette ravageuse aussi redoutée que la peste mène à tout simplement oublier la vie. Bergman fera donc vivre à son chevalier un véritable rappel à ces fondements avec sa famille de forains qui est pour ainsi dire, touchée par la grâce de la vie (apparition ensoleillée, habits blancs, bébé encore pur, vision de l'Enfant aux côté de la Vierge Marie). Deux modes de "vie" opposés, l'une désespérée et désabusée et l'autre riche en espoir et vivant de joie et de promesses, l'essence même de la vie.
Chaque étape du voyage, que ce soit avant et après la réunion de ces deux points de vue (une morte et une vivante) est un moment fort riche en questionnements théologiques.
Notre chevalier Antonius Block se pose des questions mais aucune réponse concrète ne lui sera donnée. Dieu n'est-il qu'une image ? Un bouc-émissaire ? Si il existe, quel démiurge peut-il permettre le Jugement Dernier ? A envoyer ses apôtres autoproclamés porter ces paroles de mort, se flageller pour ses beaux yeux dont nous ne sommes pas sûr de l'existence ? A envoyer au bûcher une jeune femme pour avoir "rencontre le Malin" ? Qui, elle-même est convaincue de son existence avant de retrouver la peur de cette absence de garantie divine dans ses ultimes instants au bûcher ?


La quête de Block est une quête de réponses. Après tout, nous voulons tous obtenir LA vérité sur le sens de notre vie, de nos actes aussi cruels soient-ils. Mais en faisant ça, ne dénaturons-nous pas nous-même le sens de la croyance, qui est de croire et non pas d'être sûr ? Nous même dans la réalité n'avons aucune preuve concrète de l'existence de Dieu, mais si Il apparaissait devant nous pour étayer sa présence (et selon ma logique il le ferait pour nous rappeler à l'ordre [et à entendre en gros les multiples démonstrations de puissance qu'il faisait dans la Bible, ce n'était pas pour le mieux]), il deviendrait un simple être surpuissant mais plus un concept nous poussant au meilleur de nous-même. Après tout c'est la règle du jeu, le but est que nous croyons suffisamment pour que nous soyons récompensés après notre existence, mais si nous savons, il n'y a plus d'épreuve, la foi perd de son sens.
Pourtant, aussi errant Antonius soit-il, il trouvera une sorte de début de réponse en côtoyant plus la vie que La Mort. Le plus important est de saisir l'instant présent, aider ces braves gens à trouver refuge pour éviter la peste que l'on assimile au Jugement Dernier. Une magnifique séquence qu'est le pique-nique où chacun retrouve le goût des petits plaisirs qu'offre la vie. Cette dernière n'en deviens que plus belle quand elle se retrouve mêlée de près à la Mort. Car nous faisons à la fois l'expérience amère et sucrée de son prix.


Mais La Mort se rapproche. Tuant de plus en plus de monde tandis que Block emmène avec lui tant de personnes qu'il souhaite sauver. Mais sur tout le groupe, seule la famille de forains y vivra une véritable Félicitée. Les seuls à vivre pleinement, sans pêché, sans arrière-pensée, des vivants. Le père Jof étant un véritable croyant vivant dans la grâce de la vie, s'éloignera de la Mort après avoir été le seul à la reconnaître, même à la voir alors même que personne n'en était capable. Les rescapés de l'Apocalypse pestilentielle.
Les autres ? Tous des pêcheurs. Au moins, Antonius aura la réponse qu'il cherchait quand La Mort fera son ultime apparition pour les inviter à une sublime danse macabre, mais ça ne sera sans doute pas pour le meilleur et Bergman ne nous donnera pas la réponse, il était du commun des mortels comme nous.


Car on ne joue pas avec La Mort, la vie n'est pas un jeu, elle est précieuse. Le sens de la vie n'est pas à trouver, c'est nous qui la lui donnons. La Mort trouve toujours un chemin, alors autant prendre le temps qui nous est imparti.
On ne sait jamais quand La Mort peut venir. Elle va, elle vient, des gens meurent tous les jours, on n'y peut rien, c'est comme ça, on peut la détester mais elle fait son travail. C'est un équilibre entre ceux qui sauront saisir la vie et ceux qui préféreront se résigner à la fatalité. Au-delà des bondieuseries, Dieu nous dit quand même d'aimer son prochain, de ne pas tuer, d'être bon, d'aimer et respecter la vie tout simplement. Le reste j'y vois des trucs accessoires et surtout très dispensables, si Dieu, Bouddha, la Force ou que sais-je est compréhensif, il devrait facilement comprendre l'évolution de notre société et s'adapter. Après tout, Dieu est amour...



  • Et toi, La Mort, qu'en pense-tu ? Eh ! Où est-elle passée ?


Belle journée. Le soleil brille. Dans les rues on entend les citadins vaquer à leurs activités mercantiles. Les oiseaux chantent, il fait chaud, la vie a repris son cours, La Mort est partie...
Bon. Elle a dû en avoir marre de mon énième trip de méta-mégalo. ça m'aura donné un sursis. La Mort finira bien par revenir. Et quand elle viendra, je pourrai toujours la battre dans une partie de Yu-Gi-Oh! le moment venu. Elle connait sûrement pas les règles...quoi ? Moi, arrogant ? Non...

Housecoat
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le 13 oct. 2018

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