Élise est une femme en perpétuel mouvement. On la voit arpenter les rues de Paris, courir pour rejoindre le Louvre où elle est guide, pour récupérer son fils Léo à l’école ou dans le parc où il joue au foot avec ses copains. Une activité presque thérapeutique pour ne pas trop penser au compagnon disparu et faire face au quotidien, à l’éducation de Léo. Bien sûr, il y a Paul, l’amant gentil et épisodique qui voudrait bien aller plus loin, mais qui, pour l’heure, essuie vaillamment les sautes d’humeur d’Élise qui lui balance à la gueule toute la colère qui déborde. Élise, c’est la comédienne Marilyne Canto passée à la réalisation de son premier long-métrage, après des courts remarqués dont Fais de beaux rêves ,qui obtint en 2006 le César du meilleur court-métrage. Le Sens de l’humour en est en quelque sorte le prolongement à la fois fictionnel et autobiographique (l’actrice fut la compagne de Benoît Régent décédé d’une rupture d’anévrisme en 1994). D’autre part, Antoine Chappey qui joue le rôle de Paul est l’actuel compagnon de la comédienne vue chez Manuel Poirier, Jean-Claude Biette ou Dominique Cabrera.

Élevée aux comédies intimistes et délicates, Marilyne Canto réalise logiquement un film subtil et intelligent, qui ne verse jamais dans le pathos, en composant un patchwork de scènes drôles et touchantes. Une démarche d’artiste pointilliste qui entre en écho avec celle d’un Claude Monet dont elle décrypte pour un groupe d’enfants la fameuse toile Les Nymphéas. Construit en vase clos autour du trio (Élise, Paul et Léo), le film organise la circulation de la parole deux à deux et répartit équitablement les proportions entre les trois. Sans débordement de larmes ni de cris, Le Sens de l’humour parvient à saisir en quelques gestes le poids de l’absence et la douleur du deuil : Léo rassemblant les morceaux de la clarinette de son père, Élise tombant par hasard sur la montre du défunt.

Œuvre de la reconstruction, colorée de bleu et de gris, le film est vif et profondément humain, en sachant faire pleinement exister son trio de personnages, y compris le formidable jeune Sanson Dajczma, à la fois si fragile et tellement robuste. La limpidité doublée à la sincérité de l’ensemble donne ainsi naissance à une chronique de l’intime, retenue et pudique, pourtant terriblement incarnée et poignante. On ajoutera néanmoins que cela ne nous étonne si peu de la part d’une comédienne modeste et talentueuse qui transcende dans un geste elliptique, sec et resserré sa douleur. Et comprenant enfin que le sens auquel il est fait allusion n’est pas tant l’aptitude que la direction indispensable et salvatrice à adopter, on emprunte ce chemin cahoteux et incertain avec un bonheur indéniable.
PatrickBraganti
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le 26 févr. 2014

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