Nous voici donc au cœur du sujet : Les Deux Tours peut se reposer sur la majestueuse exposition de La Communauté de l’anneau et se tendre vers son objectif, la première grande bataille du gouffre de Helm. Entre les deux, la narration change et toute une dynamique de l’expansion se met en place. La dissolution de la communauté permet en effet une fragmentation du récit qui voit les différents protagonistes alterner des quêtes parallèles, donnant l’occasion aux différents peuples de prendre position face aux enjeux de plus en plus amples. Les alliances permettent ainsi de rendre visite aux différents royaumes humains, le Rohan et Gondor, d’évoquer les tensions entre elfes et nains, tout comme les peuples rejoignant les forces obscures, dont l’organisation semble implacable


Le récit est non seulement choral, mais il recourt aussi aux flashbacks, notamment dans la relation entre Aragorn et Arwen, ou la fratrie Faramir & Boromir. C’est dans ces divers méandres que la version longue arrive à certaines limites : très discursive, elle plombe la dynamique générale, s’encombre de répétitions, de récapitulations inutiles qui donnent par instant le sentiment de voir plusieurs épisodes d’une série à la suite. On peut d’ailleurs s’amuser à constater à quel point la lenteur des Ents qui exaspère Merry et Pippin peut faire figure de mise en abyme sur le récit général…


L’un des points centraux de ce deuxième volet est l’arrivée de Gollum : le trio formé par cette créature avec Frodon et Sam apporte une véritable richesse psychologique : la schizophrénie de cet être consumé par l’anneau, l’empathie de Frodon et la défiance de Sam, les ravages causés par les hommes, encore eux, sur celui qui aurait pu s’en sortir permettent un écho habile à la quête générale et aux agitations des foules. La créature, entièrement de synthèse, est une véritable prouesse qui permet, pour la première fois, la coexistence d’une véritable expressivité sentimentale d’un visage avec les mouvements du corps.


La marque de fabrique de Jackson fonctionne à plein régime : les décors naturels sont grandioses et la progression dans l’espace fédère tous les personnages, des marches collectives sur la lande à la trajectoire de plus en plus laborieuse de Frodon, entre marais, montagnes et forêts profondes. La nature est toujours un protagoniste de choix, et sert d’écrin de luxe à la fantasy qui se marie avec elle à la perfection, pour des images le plus souvent saisissantes, comme l’irruption du Nazgül et de son dragon sur les murailles en ruine.


Le mérite de la longueur est bien entendu de préparer à la bataille finale, cet apogée temporaire qu’est le gouffre de Helm. L’attente est certes languissante, mais les promesses sont tenues. L’armée de dix mille uruk-haïs dans la nuit pluvieuse est d’une épaisseur jamais atteinte auparavant, et l’assaut de la forteresse, les travellings le long des murailles gérés à la perfection par un Jackson omniscient, tant dans les pastilles de détail que l’embrassement épique des plans généraux.


Tout est donc réussi : le premier opus a permis à l’univers de s’imposer et aux personnages d’exister, le deuxième de complexifier l’ensemble et d’exhaler un souffle épique sans commune mesure.


Nous voilà donc prêts pour l’expansion totale et grandiose de tous ces éléments : Le Retour du Roi.

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le 27 nov. 2015

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Sergent_Pepper

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