Le Scaphandre et le Papillon par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ce vendredi 8 décembre 1995, tout va pour le mieux pour Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef du magazine "Elle". Il fait monter son fils à bord de sa belle et nouvelle voiture, fier de la lui faire découvrir. Le drame se produit alors très vite, Jean-Dominique Bauby se sent mal, arrête sa voiture et tombe dans un long coma suite à une commotion cérébrale. C'est à l'hôpital maritime de Berck qu'il se réveille et s'aperçoit très vite que toutes ses fonctions motrices ont disparu. Il souffre en fait d'un mal très rare, le locked-in syndrôme. La mémoire et la compréhension ne sont pas touchées ni le fonctionnement de la paupière de l'oeil gauche qui sera déterminant dans sa nouvelle destinée. Les médecins vont lui proposer un code en exploitant cette paupière gauche: un battement pour oui, deux battements pour non. Puis Jean-Dominique Bauby livrera ses pensées à travers un écrit: "Le scaphandre et le papillon" avec l'aide permanente d'une traductrice. Il décédera le 9 mars 1997, quelques jours après la sortie de son ouvrage.

L'homme se réveille lentement. Des images troubles lui apparaissent et un brouhaha de voix lui parvient. Il distingue un groupe qui semble être des médecins, aucun doute, il est sur un lit d'hôpital. Puis tout se précise, les visages et les voix deviennent plus distinctes. Alors lui vient l'envie de bouger et de parler mais rien à faire, le corps comme prisonnier d'un scaphandre ne répond pas. Impossible d'appeler à l'aide, la voix ne sort pas, tout est paralysé. Seules la vue, la mémoire et la compréhension le rattachent au monde. Le diagnostic est clair et irrémédiable, malgré les paroles rassurantes et banales du spécialiste. Devant un tel cas, deux jeunes femmes médecins émues et passionnées par ce "cas" peu banal vont lui soumettre une idée afin de communiquer: le battement de la paupière de Jean-Dominique dicterait ses paroles. Celui-ci, à la merci de tous, qu' il s'agisse de son bien-être ou de ses soins intimes, oscillera entre la mort et la vie. C'est cette dernière solution qu'il adoptera, à l'image d'un petit papillon s'évadant de ses pensées et le faisant revenir à la vie au travers de souvenirs, de désirs, de fantasmes mais aussi de regrets. Par la pensée, par le rêve, il peut tout inventer et les paroles de ses visiteurs, de son épouse, de ses enfants ou de ses médecins deviendront presque dérisoires par rapport à ses rêves. Le papillon délivrera petit à petit le journaliste de son scaphandre qui le tient prisonnier. Ce sera le moment de confier ses joies et ses peines, ses échecs et ses espoirs, bref le bilan d'une vie. C'est ce que nous relate ce film dans lequel le brillant et frivole journaliste livrera ses pensées les plus profondes à travers son écrit plein d'énergie et d'espoir en forme de testament. Jean-Dominique Bauby aura ainsi peut-être vécu "au moins mal" ces terribles moments.

Il n'était pas aisé pour Julian Schnabel, en adaptant ce livre, de ne pas tomber dans un excès d'exhibitionnisme voire de mélo aux effets larmoyants. Bien au contraire, le réalisateur a réussi à éviter ces pièges en n'omettant pas d'insister sur la lutte que se livrent les pensées négatives et positives de Jean-Dominique. La caméra promène son objectif dans un flou complet, puis petit à petit l'horizon s'éclaircit. Les propos du spécialiste vont mettre le patient devant l'avenir difficile qu'il lui faudra supporter. A partir de là, après un passage à vide, il va s'inventer une nouvelle vie intérieure fort bien exploitée par Julian Schnabel. Les réactions lors de son hospitalisation dans les locaux sinistres de l'hôpital ne vont pas empêcher son imagination, tel un papillon, de divaguer en rencontrant dans ces tristes couloirs l'impératrice Eugénie ou le danseur Nijinsky. Les images de ce rêve sont fort bien dépeintes par l'originalité de la mise en scène. Les nombreux flash-backs sont judicieusement disposés tout au long du film et certains passages poignants comme les relations du fils avec son père, l'anniversaire de Jean-Dominique entouré par sa femme et ses enfants sur la plage de Berck... D'autres passages sont plus ironiques et même parfois un peu drôles grâce à la philosophie que se fait le journaliste de certains faits de sa vie. Pour interpréter ce rôle délicat, il fallait un acteur hors pair et Mathieu Amalric fait partie de ceux-là. Il se montre, malgré son visage ravagé, expressif, attachant et émouvant. Ce personnage dans lequel il s'est littéralement fondu restera certainement un grand moment de sa carrière. Il est excellemment entouré d'Emmanuelle Seigner, de Marie-Josée Croze, de Anne Consigny, de Max von Sydow et Jean-Pierre Cassel entre autres.

N'allez pas voir cette oeuvre avec l'idée d'assister à un défilé d' images chocs accompagnées de plaintes et de gémissements, le propos n'est pas là. Il est au contraire à l'opposé car Julian Schnabel qui a très bien capté l'esprit du livre, nous trace le portrait d'un homme avec ses qualités et ses défauts, à qui la vie sourit sur le plan matériel, professionnel et affectif et qui tout à coup, par son corps inerte va se trouver soumis à tous pour le temps qu'il lui reste à vivre. Dans cet état, il n'abandonne pas, il en profite pour refaire le film et le bilan de sa vie et dans cette vie, il n'y a pas eu que des malheurs! Un exemple à méditer et un film à voir à tout prix!





Ce film a remporté le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2007.

Prix d Meilleur film en langue étrangère et du Meilleur réalisateur étranger pour Julian Schnabel au Golden-Globes 2008.

Créée

le 9 oct. 2013

Modifiée

le 9 oct. 2013

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