Port d'attaches

J'aime bien me lancer dans un film sans rien savoir à l'avance, découvrir petit à petit au générique de précieux indices, Simenon, Audiard, les petites surprises qui font plaisir, mais moi un Grangier avec Gabin de 1956 a priori ça suffisait pour me donner envie...

Et après on plonge dans l'inconnu, on reconnait La Rochelle dès les premiers plans, bien sûr, c'est une histoire sur les docks, un ancien débardeur qui est devenu grosse légume, des histoires avec sa femme, son ami d'enfance, les beaux-parents, les parents, une famille du voisinage particulièrement dégénérée, des bourgeois associés, la vie repue du dimanche n'efface pas tous les regrets, le prolo sous le nouveau-riche, la notabilité qui revisite les troquets interlopes, les ventes à l'encan fleurent bon la marée et le poiscaille frétillant, mais où est passée Madame ? L'ennui de province jusqu'à l'écoeurement mais sans quitter l'humain, au plus près, sans fioritures...

Et puis il y a Gabin qui n'a peut-être jamais été aussi touchant depuis la guerre, Gabin qui promène sa masse impériale de nanti impassible au coeur en peine, débitant les jolis mots d'Audiard comme il respire dans une drôle d'enquête qui nous emmène je ne sais où et c'est ça qu'est chouette...

Il y a des ambiances portuaires qui sentent l'aventure début de siècle autant que la fin des rêves de jeunesse, et comment résister à l'appel des sirènes... Il suffit parfois de pas grand chose pour transformer la plus vieille histoire du monde en tableau désenchanté bouleversant de nudité.