En partant voir ce film auréolé de sa palme, la désagréable impression d'un prix usurpé au splendide un prophète de Jacques Audiart par la présidente Huppert ne cessa de planer dans mon esprit pendant sa (longue et interminable) projection.
Alors que le film de Jacques Audiart amenait une bouffée d'air frais dans le cinéma français avec un scénario rondement mené, une direction d'acteurs magistrale et une mise en scène originale et audacieuse, force est de constater que le film de Haneke se situe quelque peu aux antipodes dans sa structure. Malgré un splendide noir & blanc, la réalisation est en effet des plus classique (un cadre rigoureusement statique et peu de variété sur les échelles de plans), peut être trop même hélas.
Si l'esthétique magnifiquement froide du film contribue à suggérer efficacement le climat d'un petit village allemand protestant dangereusement archaïque et mortifère, marqué par la violence des rapports humains à la veille de la première guerre mondiale, l'investigation qui y est menée tout le long ne se montre cependant pas assez palpitante pour faire réagir le spectateur à ce qui va pourtant préfigurer au horreurs qu'une société allait par la suite perpétrer au XX siècle.
En résumé, seuls les aficionados du cinéaste (dont Isabelle Huppert donc) apprécieront la nouvelle fascination morbide menée par le réalisateur sur la montée de la violence chez l'individu, que ce soit par sa représentation ou par sa déréalisation progressive ( Benny's vidéo, funny game, caché..). Quant aux autres qui partageront mes impressions, ils se trouveront face à un redoutable somnifère (surtout quand on le voit en V.O ).