Septième Art et demi
On entre dans le film de la manière dont on entre dans les gentils films américains des années 1950 ; un gentil capitaine débarque une professeure d'anglais (gentille mais de fort caractère, pour varier) en un pays follement exotique : Siam, la future Thaïlande. On commence une visite guidée de décors qu'on n'aurait pas conçus autrement pour une histoire se déroulant sur Mars tant le dépaysement est figuré avec inexpérience charmante de la réalité.
Après quoi le spectateur est introduit auprès du roi local incarné par le suisso-germano-soviétique Yul Brynner. On ne découvrira qu'à la fin, fait très étrange, l'absence d'une romance (quoique cet aspect soit couvert en second plan) ; en revanche, on se rend vite compte que la formule est inhabituelle pour commencer : l'humour est situationnel, mais ne commet pas l'erreur de s'éterniser au-delà de l'existence qui lui est impartie pour être pertinent.
Ce qu'on appelle aujourd'hui des "vannes" sont prégnantes et récurrentes, une trouvaille plaisante tant que le semi-sabir des autochtones, ne consistant en fait qu'en l'élision de certaines particules grammaticales (ce qu'on appelle "petit-nègre") ne nous écorche pas les oreilles de ses stéréotypes persistants.
Ces impairs sont à remettre à leur époque ; le tout est hautement artistique, et la vocation de faire voyager le public dans l'espace n'a rien perdu de sa superbe car le film a aussi tranquillement voyagé dans le temps jusqu'à nos jours.