Le procès de Vivane Amsalem fait partie de ce genre de film vérité qu’il est difficile de remettre en question parce qu’il est mû par un sujet qui n’est aucunement propice à la polémique. Toute personne en dehors du microcosme religieux dont il est question, dotée d’une capacité à raisonner ne pourra que ressentir ce sentiment de révolte qui habite Vivianne lorsque se succèdent des entrevues désespérantes, parfois absurdes, menées par des hommes de loi qui ont le pouvoir de statuer de sa liberté en tant qu’être humain.


Forcément, ce tribunal rabbinique, à cheval entre volonté de faire respecter lois civiles et obligations édictées par une religion très rigide, ne peut que révolter l’occidental qui considère pour acquis le droit au libre arbitre dans ce qu’il a de plus fondamental. En ce sens, des 2 heures de films ne ressort principalement que l’absurdité révoltante de son propos, prenant la forme d’un chemin de croix entrepris par une femme courageuse qui a décidé, envers et contre tous, que son heure était venue de prendre enfin la parole. Un choix courageux au sein d’une communauté qui la considère comme une entité invisible qui n’existe que pour servir son mari. Un sujet poignant, qui ne souffre d’aucune contradiction, ce qui est légitime.


Maintenant, en tant qu’objet filmique, comment percevoir Le procès de Viviane Amsalem, la réponse est plus compliquée. Fallait-il absolument tabler sur 2 longues heures pour bien enfoncer le clou et ne se concentrer que sur les scènes d’un procès rocambolesque pour définir la fameuse Vivianne et sa vie ? J’ai envie de répondre par l’affirmative, pendant la première heure, la recette fonctionne, mais bien vite la lassitude s’installe, le sujet s’est suffisamment exprimé, avec violence, et finit par entrer dans une forme de redondance qui ne fait qu’enfoncer un clou dont la tête ne dépasse plus depuis un moment. Au fur et à mesure que les témoins se suivent et se ressemblent, que le mari continue d’illustrer l’absurdité d’une procédure qui lui donne les pleins pouvoirs, jusqu’à prendre le droit de se rétracter en dernière seconde d’un rituel pensé par un esprit farceur, l’intérêt s’émousse quelque peu. L’indignation est toujours de la partie, comment pourrait-il en être autrement, mais l’envie que la démonstration se termine se joint à elle.


Le procès de Viviane Amsalem est un film nécessaire qui rappelle la difficile condition de femme dans certaines communautés gouvernées par des religions qui ne brillent pas pour leur flexibilité. Mais il se repose un peu trop, à mon sens, sur son sujet très fort, se faisant l’écho d’un certain nombre d’absurdités sans essayer d’aller plus loin, que ce soit en matière de mise en scène, souvent très fonctionnelle, ou de narration, cette dernière se contentant d’être d’une monotone linéarité.

oso
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le 14 juin 2015

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