Dans le rouge financièrement depuis son divorce, le cinéaste David Lean accepta d'adapter le roman de Pierre Boulle, tout en faisant réécrire un scénario qu'il jugeait peu satisfaisant, avec le résultat et le succès que l'on connait, le film ayant reçu un nombre conséquent de récompenses et figurant désormais dans la liste des plus grands films de tous les temps.

Bien plus qu'un simple film de guerre, "Le pont de la rivière Kwaï" est un duel entre deux visions opposées du commandement, entre deux fortes personnalités, la rencontre forcément chaotique entre l'orient et l'occident débouchant sur une réflexion passionnante sur l'honneur et le devoir, auquel s'ajoute le point de vue américain, jeune nation légèrement dilettante complètement paumée entre ces deux empires et qui remettra les choses au clair avec la subtilité qu'on lui connait.

Maîtrisant parfaitement son cadre et semblant fasciné par la nature sauvage des paysages, David Lean parvient à donner à sa mise en scène une ampleur renversante tout en enfantant un film profondément intimiste et humaniste, le cinéaste collant au plus près de ses personnages, sondant pratiquement leur âme, dévoilant l'humanité de chacun au grand jour, refusant catégoriquement d'en faire de simples caricatures grotesques. Peu importe le point de vue, le camp, la nation, chacun à ses raisons, ses ambitions, ses doutes, ses peurs, sans que Lean ne se permette de les juger complètement.

Comme pour mieux saisir l'absurdité d'une telle situation (la construction d'un pont qui sera fatalement détruit), Lean utilise la musique avec ironie, avec un décalage saisissant, du moins jusqu'à un troisième acte en forme de pur film de commando, un véritable morceaux de bravoure tendu comme un string, où les vies humaines ont cependant une place bien plus importante que l'objectif principal.

D'une maîtrise formelle et narrative confinant au sublime, "Le pont de la rivière Kwaï" est un classique toujours aussi efficace, une parabole amère et jusqu'au-boutiste sur la folie des hommes, non dénuée d'humour (le calendrier topless dans la hutte de l'officier japonais) et portée par des comédiens en état de grâce.
Gand-Alf
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le 1 juin 2014

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