Le Pigeon par Gérard Rocher La Fête de l'Art

C'est dans une Italie en pleine crise sociale qu'un pauvre type purge une peine de prison pour avoir fait main basse sur une voiture. Malheureusement cet homme d'un certain âge était sur le coup d'une "opération" lui paraissant assez simple et pouvant rapporter un revenu juteux: cambrioler un "Mont-de-Piété". Un coup de génie lui vient à l'esprit, payer un boxeur à la ramasse, Peppe afin qu'il se fasse porter coupable du vol et prenne sa place en prison. Ainsi le vieux truand pourra réaliser son projet. Peppe se fait emprisonner. Soupçonnant le coup-monté la justice fait libérer celui-ci et son compère reste en prison. Avec les renseignements en main, il ne reste plus au boxeur que de réunir des complices pour faire le coup...


Il est bien certain que lorsque l'économie d'une nation va mal, ce sont les petites gens qui en sont les premières victimes. Dans cette Italie en pleine crise économique certains empruntent un cheminement continuel de combines afin de tenter tout simplement de survivre. Lorsqu'un "trésor" semble être accessible le tout est d'empocher la mise sans trop se poser de question.
Pepe, dénué de tous complexes envers son copain resté taulard, va s'adjoindre les services de complices. Ils sont sans travail bien sûr et vivent chichement. Ils sont très loin d'être des cambrioleurs chevronnés et entrent plutôt dans la catégorie des "bras cassés". Pourtant ils partent dans cette aventure le cœur plein d'espoir en rêvant d'un futur meilleur. Ils ne s'imaginent alors pas qu'une telle opération sensée être fructueuse peut s'avérer hasardeuse. Ils ne s'imaginent pas non plus que des "grains de sable" sont susceptibles de gripper la machine. Peu importe, l'affaire est engagée, le matériel de "spécialistes" est livré, le magot et les rêves qui en découlent sont au bout du chemin. Pour aboutir, Peppe et ses compères vont se retrouver face à ce "Mont-de-Piété" transformé en une forteresse difficilement franchissable pour eux, novices inorganisés. L'opération n'est peut-être pas à la mesure de ceux qui la mènent.


Le cinéma italien en cette période, 1958 pour ce film, devient parfois engagé . Il emprunte alors le style de la comédie grinçante pour décrire des situations dramatiques, tel Charlie Chaplin et quelques autres. Ce contraste, à mon avis, contribua vient souvent à accentuer efficacement le propos. Ici c'est Mario Monicelli qui mène cette entreprise pleine d'amertume en nous décrivant de façon satyrique les dérives encourues par la population à risque, inactive, désemparée et délaissée de toutes parts. Cette catégorie de personnes se trouve prisonnière d'une "toile d'araignée" qui peu à peu épuise ses proies démontrant que la ruse a ses limites. Ces gens malgré leur foi et leurs prières pourront se débattre, ils resteront pauvres, et sans cesse poursuivis par la poisse et souvent par la justice. Le réalisateur cerne donc parfaitement ce triste climat et malgré les sourires dus à la maladresse des personnages, il est difficile de ne pas ressentir de la compassion voire de la tristesse dans cet univers désespéré.
L'œuvre qui obtint un beau succès public reste gravée dans l'histoire du cinéma social. Outre son talent Mario Monicelli sut s'appuyer sur une nouvelle génération d'acteurs. Aussi pouvons nous découvrir avec un réel plaisir les grands Vittorio Gassman, Renato Salvatori et la magnifique Claudia Cardinale sans oublier l'impayable Totò en fin de carrière.


Pour toutes ces raisons je ne peux donc que vous conseiller vivement de découvrir ou redécouvrir ce très beau film qui reste un témoignage indélébile d'une époque durant laquelle le cinéma corrosif italien brillait dans toute sa splendeur en nous offrant déjà de très grands réalisateurs et des acteurs fabuleux.


Note: 8/10

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le 16 mai 2017

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