Le Petit Prince
6.8
Le Petit Prince

Long-métrage d'animation de Mark Osborne (2015)

Ce film ne mérite pas son titre. Il y a un tel irrespect du Petit Prince de Saint-Exupéry dans ce film que lui apposer un nom identique relève de l’insulte. Je pèse mes mots, quoique piège serait plus approprié. En effet apposer un tel nom à cette catastrophe est une idée de génie pour convaincre les curieux optimistes adorant le roman original de le voir, mais on ne m’aura plus comme ça. Enfin plus jusqu’à la prochaine fois. Autant dire que j’ai très vite déchanté quand je me suis rendu compte que ce qui avait dû se passer à la place de l’écriture conventionnelle pour ce film, devait ressembler aux producteurs, aux scénaristes, et au réalisateur, faisant des boulettes de papier avec les pages de l’œuvre de Saint-Exupéry, quoique ce soit une juste métaphore du film que j’ai vu. Je m’explique.


Tout d’abord on commence le film par une gamine déménageant pour une vie bien rangée, dans un appart bien rangé, d’une banlieue bien rangée, révisant pour rentrer dans une école et être la meilleure. Tout son temps est mis à dispositions pour arriver à cet objectif, ne laissant place à aucun rêve. Déjà au-delà du fait que ça n’ait aucun rapport avec Le Petit Prince, qui est l’œuvre censé être portée à l’écran quand même, ce que l’on voit à la place est d’un basique assez navrant. L’animation est très peu originale, elle nous montre ce que le scénario indique ni plus ni moins. Il n’y a ni l’originalité ni la folie que l’on peut trouver dans un Miyazaki, ni la poésie que l’on peut trouver dans un film d’animation se voulant pourtant réaliste, comme le tombeau des lucioles par exemple. Ensuite pour revenir à l’écriture et au scénario, c’est un sous-Edward Aux Mains D’argent, en beaucoup plus lourd. Car elle va trouver un vieux étrange à côté de chez elle qui ne rentre pas dans cette monotonie de vie, contrairement à elle, tout le reste de son quartier, ou même tout ce film. La fille commence à parler aux vieux et elle va avoir peu à peu l’envie de rêver, elle va se mettre à avoir de l’imagination. Pas bien de parler au vieil inconnus quand t’es enfant dans ce film, parce qu’il est l’objet d’une histoire ultra-convenue. En plus ce vieux un peu bizarre qui ne rentre pas dans les normes, je le trouve ultra-cliché, je trouve donc qu’au niveau de l’écriture et du scénario le film est à l’image de son animation aseptisé, lisse et prévisible. Dommage.


Là normalement si tu es un peu attentif tu dois te demander pourquoi tout le paragraphe ci-dessus n’a aucun rapport avec Le Petit Prince. Tout simplement parce que avant le dernier acte Le Petit Prince n’est pas important, et ça je l’avoue c’est imprévisible dans un film s’appelant Le Petit Prince. En effet, il n’est qu’une vieille histoire couchée sur feuille volante, totalement anecdotique, une histoire qui va servir à ce que la gamine établisse un lien avec le vieux. Franchement je trouve qu’à ce niveau appeler ce film Le Petit Prince revient à se foutre de la gueule du monde. Et le pire à mes yeux, c’est que le peu de temps où des morceaux d’histoire du Petit Prince sont contés, ils sont mis en image de manière originale. Ce qui m’a donné l’impression que le réalisateur se foutait de ma gueule, car le seul message que ce réalisateur m’aura transmis au travers de ce film, c’est que si il avait voulu il aurait pu faire une belle adaptation du Petit Prince avec une animation magnifique, mais il a préféré le transformer en passage anecdotique d’une production hollywoodienne pour enfant calibré. L’enfoiré.


Tout ceci ne justifie cependant pas mon 2/10 et l’intro de cette critique. Pourquoi tant de haine alors. La fin, enfin le dernier acte du film pour être exact. Sans elle j’aurais probablement mis un 4 ou un 5 et je n’aurais pas été aussi virulent envers ce film. Cependant pour m’expliquer je vais être obligé de spoiler la fin.


Dans la fin du roman Le Petit Prince, l’histoire s’arrête car le petit prince est incapable rentrer chez lui sur sa planète. Il choisit l’option proposé par le serpent, la mort. Cependant face à la tristesse de son ami aviateur, avant de s’éteindre il lui explique que sa mort n’est pas que tristesse, et qu’il le verra à chaque fois qu’il lèvera la tête et regardera les étoiles. C’est une fin belle, car nous montrant à la fois le côté triste de la séparation de deux être, par la mort de l’un d’entre eux, mais aussi la beauté du souvenir de cet être. Bref une fin magnifique. Quelle ne fus pas ma surprise quand je vis que dans le film, la fille découvre que le petit prince est encore en vie, et pars affronter les personnages absurdes que le petit prince avait découvert lors de son voyage initiatique, devenu méchant. Mais de vulgaires méchants, bien clichés, et bas de gammes. Détruisant leur côté absurde qui les rendait si intéressant, mais encore si c’était que ça le problème de ce dernier acte…


Comprenez-moi bien cette fin me révulse. Et je n’exagère pas. Je suis juste attristé voir la fin si intelligente, belle, et tragique, du livre changée en une vulgaire fin éculée, débile, et niaise, dans le film parce que ce serait trop bête de proposer une fin intelligente à un film pour enfant. Enfin tu pourras me rétorquer si tu es un poil cynique, que c’était risqué pour un producteur de respecter la fin du roman de Saint-Exupéry, ça risque de sortir des sentiers battus, et rapporter moins. Et les producteurs de ce film ne sortent pas des sentiers battus, ils les suivent aveuglément car ils y voient au bout une belle étendue de billet vert. Désespérant.


Bref si un artiste vit au travers de ces créations, alors Saint-Exupéry a succombé face aux producteurs de ce film. Il s’est éteint sous une pluie d’applaudissement, au grand théâtre Lumière, au festival de Cannes. Refusant de participer à cet homicide volontaire je n’ai d’ailleurs pas émis le moindre applaudissement et suis sorti de la salle dès que j’ai pu. Le pire étant que ce film sera montré aux enfants en étant programmé en séance scolaire, ils verront donc ça comme référence. La triste victoire de l’industrie sans saveur face à la beauté de l’œuvre de l’artisan. Trop prévisible. Ça m’apprendra à être optimiste.

Noe_G
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le 13 juil. 2015

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