Le père Noël est une ordure par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Pendant que d'autres font la fête, le 24 décembre est un dur moment à passer pour les personnes seules ou déprimées. Pour leur apporter un peu de chaleur humaine l'association "SOS Détresse-Amitié" est à pied d'œuvre par l'intermédiaire de deux bénévoles de garde: Thérèse et Pierre. Après un échange de cadeaux au goût douteux et quelques insultes téléphoniques émanant entre autres d'un obsédé sexuel, le couple de bienfaiteurs est aussitôt mis à contribution avec un défilé de personnages étranges. C'est ainsi qu'ils vont être accaparés par une femme aux prises avec l'ascenseur et ne pouvant de ce fait se rendre au réveillon chez sa sœur. Une jeune clocharde enceinte jusqu'au cou vient se réfugier afin de se mettre à l'abri de son compagnon violent, assumant la fonction de Père Noël devant les grands magasins. Puis arrive un travesti dépressif en mal d'amour, et de temps à autre le voisin du dessus d'origine yougoslave tient à faire goûter des friandises vraiment spéciales. La nuit va être chaude, si chaude qu'un individu sera tué accidentellement et qu'une fois dépecé, ses morceaux feront, au petit matin, un merveilleux dîner de fête aux bestiaux du zoo de Vincennes. Bref, difficile de passer une soirée de Noël aussi riche en rebondissements fâcheux...


Ce soir de réveillon, c'est donc Thérèse et Pierre qui se collent au standard afin de recevoir et de conseiller d'un ton compatissant toutes les âmes perdues qui confient leurs malheurs. Il faut dire que ces deux là, avec leur air et leur allure rigides, sont la caricatures mêmes des pires culs bénis de la planète. Et le rassurant "c'est ç'la ououii..." de Pierre va se transformer en mots de colère que Thérèse ne sera pas la dernière à proférer. Supporter la présence de madame Musquin qui s'affole, s'emballe à cause de l'ascenseur qui lui joue tous les mauvais coups du monde, ce n'est pas drôle! Subir et écouter les doléances de Zézette la clocharde profitant des circonstances pour faire remplir ses papiers administratifs, ce n'est vraiment pas drôle encore! Et ça ne peut que se gâter lorsque Katia, un drag queen mal dans sa peau et porté vers le suicide vient occuper les lieux et embarrasser dans tous les sens du terme le très pudique Pierre. Voici Monsieur Preskovitch, le voisin immigré yougoslave du dessus qui arrive toujours au plus mauvais moment pour rechercher un peu de convivialité en faisant goûter à tous ses spécialités culinaires au goût et à l'odeur inavouables. Là vous vous dites j'ai subi le pire! Et bien non, car justement le pire est à venir avec Félix le mi- clochard, mi-père Noël qui, viré du trottoir devant un grand magasin , vient régler ses comptes avec sa compagne Zézette sur le point d'accoucher. Félix est un nerveux, un violent et un impulsif et lorsqu'il a une arme gare à celui qui se présente par surprise, il n'en réchappe pas! Et le secret de ce fâcheux contretemps il va falloir le cacher et là notre Père Noël se révèle être un expert en dépeçage de corps humain. Comme à la fin de tout bon réveillon il est bon de respirer un peu d'air frais, pourquoi ne pas aller du côté du zoo de Vincennes pour apporter les pièces détachées de "l'accident" afin que les bêtes féroces profitent, elles aussi, d'un petit festin de Noël ?


C'est avec beaucoup de talent que Jean-Marie Poiré a adapté à l'écran la pièce du même nom sortie en 1979 et interprétée par la troupe du "Splendid". Les acteurs de celle-ci furent bien sûr reconduits pour interpréter ce film d'où la remarquable complicité que l'on observe tout au long de cette œuvre. Celle-ci fut jugée à l'époque bien impertinente et provocante par certains, mais depuis le film, dont le succès populaire fut au même titre que la pièce fulgurant, est rentré dans le clan des grands classiques de l'humour noir. Et pour cause, les personnages, tous plus farfelus les uns que les autres, sont de merveilleuses caricatures de la nature humaine poussées à leur paroxysme. Plus besoin de revenir sur les personnages Thérèse et Pierre: Anémone et Thierry Lhermitte nous confectionnent une interprétation remarquable. Que dire de Marie Anne Chazel incarnant Zézette si ce n'est qu'elle est la clocharde la plus rigolote et la plus déjantée du monde! En parlant de déjantés, Josiane Balasko alias madame Musquin n'aura qu'un champ d'action très réduit pour son réveillon dans son ascenseur maudit et Katia, le drag queen dont Christian Clavier nous fait une composition assez extraordinaire, est parfois drôle, parfois pitoyable en souffre douleur et exclu même parmi les exclus de la société. Monsieur Preskovitch, joué à la perfection par Bruno Moynot, réussit à être émouvant, lui qui recherche un peu de chaleur humaine et qui, par ses recettes culinaires infâmes, ne rencontre que mépris de la part de ses turbulents voisins. Passons au Père Noël joué par le colérique et sanguinaire Gérard Jugnot et là, il est formidable. Il a tout de mauvais, de détestable, de fourbe et pourtant Dieu sait si on l'adore dans son habit rouge et blanc. Les répliques signées de l'ensemble de la troupe et de Jean-Marie Poiré sont percutantes et aussi méchantes qu'inattendues. Elles partent en cascade tout au long du film et leur humour ne nous laisse pas un moment de répit. J'oubliais de citer l'interprète du personnage un peu pervers qui importune Thérèse au téléphone: c'est la voix de Michel Blanc. A signaler que même le dessinateur Reizer est de la fête car c'est lui qui réalisa l'affiche.


Vous aurez sans doute l'occasion de voir et de revoir ce film. C'est pas gênant car dans ce genre de réalisation on retrouve souvent le petit détail ou la petite réplique rigolote que l'on avait oublié. Et même si votre mémoire est digne d'une encyclopédie, une petite cure de rigolade ne fait jamais de mal en revoyant ce film pour la énième fois.

Grard-Rocher
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le 2 août 2015

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