De la chute d'un héros.

" Le père de mes enfants", c'est d'abord l'histoire d'un homme à fond dans la vie, que toute la première partie du film montre détaché, à l'aise, grandiose, passionné, amoureux. Il est aimé partout, encensé: par ses deux petites filles, par sa femme, par ses amis. Mais plus dure est la chute pour le héros qui se croyait invincible. Les failles se sentent déjà dans les grands yeux tristes de la plus grande fille de Grégoire ou encore de sa femme qui voudrait bien le voir plus souvent présent, réellement là, loin de son téléphone, de ses caprices de film que sa boite de production au nom lumineux "moon film" produit en cassant les budgets.

La chute donc du roi Grégoire et de ses sourires, de sa grande maison, de ses ballades à la campagne. Il est impulsif, c'est sans qu'on s'y attende vraiment, follement, dans la rue, comme ça, que le colosse s'éteint brusquement. Et dès lors, on entre dans la deuxième phase, la grâce, celle du deuil qui a des odeurs de renaissance. Au bord de la Loire, dans les bureaux parisiens, au cœur du temps, en hors temps. Le visage de la plus petite Billie, pétri d'incompréhension face à ce père modèle est magnifique. Et puis il y a sa femme qui d'apparence plus fragile que Grégoire s’avérera plus forte,reprenant le flambeaux, et faisant les choix douloureux mais nécessaire pour sauver sa vie de famille, de femme. La plus belle figure restera celle interprétée par Alice de Lencquesaing, une actrice douloureuse qui déterre le passé d'un père qu'elle aimait, discrète et fragile. Son visage baigné de larmes ressemble à celui d'une sainte, sa douleur est touchante et même ses tentatives timides et fluettes pour prendre son envol sont bouleversantes.

Le plus beau de ce film réside dans ces plans qui prennent le temps d'accompagner la douleur, la grâce, et qui s'avèrent colorés derrière la noirceur d'une histoire. Porté par des interprètes pleins de grâce, des enfants aux adultes, le film est simplement beau, bouleversant tout autant que simple. Ce qui est bien c'est que Mia Hansen-Love a su faire de Grégoire un personnage profondément touchant tout autant qu'agaçant, cela tient surtout via cet acteur aussi insupportable que doué, mais surtout elle a su faire un être profondément amoureux des films et des femmes de sa vie, qui n'a jamais pu s'empêcher d'être aussi profondément égoïste... La deuxième partie déconstruit l'image du héros, et tend vers la lumière, de la ville jusqu'aux bords de Loire...