
Portrait supplémentaire à visée satirique d'un microcosme de nantis et fiers de l'être, où se mélange la corruption, la quête de rédemption, le sacrifice, sans oublier la toxicité masculine. Tout ceci pour répondre aux cahiers de charges du jour et à la facilité de la critique. Comme Sans filtre et Glass Union, Le Menu suit la même logique d'un abattage en règle, mais plus jouissif finalement car c'est bien l'ensemble de l'espèce humaine que nous sommes qui en prend pour son grade et le récit se teinte d'une sorte d'alerte métaphorique assez jouissive. Un panel de personnages aux clichés avérés encore, mais qui vient rappeler à notre fin prochaine et programmée qu'un porte-monnaie bien garni n'exemptera pas.
Mark Mylod pointe en filigrane la surconsommation, l'ignorance et l'irrespect des ressources alimentaires, essentielles à la vie, que les invités ont perdus de vue, tout à la joie de contribuer au saccage des espèces protégées. De la tirade sur le Saint-Pierre qui n'a donc pas de bol à être pêché pour répondre à la goinfrerie ambiante, on s'amuse de ce beau pied-de-nez avec ce plat au pain, sans pain, plat du pauvre, auquel nos vaniteux convives n'auront pas droit, frustrés d'une assiette qu'ils ne peuvent saucer. Mais c'est aussi l'orgueil du métier avec un chef cuistot dictatorial (Fiennes) comme celui du critique culinaire (Janet McTeer sublimant les plats par toute une série de qualificatifs, aussi vains que pompeux).
Mylod joue du suspense et des retournements de situations inattendus. A chaque plat, un nouveau chapitre et une direction horrifique qui s'accentue au fil de la dérive du peu commode chef cuistot devenu las de ses congénères et de lui-même. Ses éclairs de lucidité servis par des monologues bien sentis, amèneront sa sanglante vengeance, enrobée de saveurs et de couleurs, pendant que les cadrages se resserrent, les teintes se refroidissent et que les décors deviennent de plus en plus inquiétants, enfermant son beau monde, sans espoir de sortie.
L'ensemble reste décalé et théâtral et on s'attend à une chute telle une blague de mauvais goût pour finalement vérifier lors de son final explosif, la grande capacité de résignation des convives, pour nous rappeler à la nôtre, au cas où on voudrait se moquer. Rebecca Koon la maman du chef, affalée à sa table à finir les bouteilles, absente à ce qui se joue, en est la meilleure représentante.
On ne peut qu'être séduit par le délire décomplexé du propos, qui nous évite le happy end de rigueur. Mais il faudra alors laisser de côté certaines incohérences, de situations qui ne trouvent pas de suite pour quelques scènes accessoires et des longueurs. Servis par des acteurs que l'on a plaisir à revoir pour certains les seconds rôles remplissent la pellicule avec plus ou moins de bonheur, des jeux approximatifs et des personnages poussifs. On peut regretter aussi la trop grande importance donnée à l'électron libre, invitée par erreur et sauvée par un cheeseburger (Anya Taylor-Joy) pour une résolution tirée par les cheveux.