Manuel de gastronomie

On pourrait croire que c'est la volonté du film, incarnée par une Anya Taylor-Joy naïve aux élévations esthétiques et verbales de la cuisine moderne, que de simplement glorifier l'équivalent artistique du cheeseburger, dans un élan de cynisme, en doigt d'honneur à la bourgeoisie et à ses vices.

Pourtant, cette scène où le Chef, incarné par un Ralph Fiennes dans son élément, confectionne le cheeseburger susnommé est une des plus appuyées esthétiquement du film, et des plus émouvantes. La deuxième scène la plus émouvante est celle où Margot contemple le plat final, le clou du spectacle, lui-même d'une allure intello-prétentieuse que le film semblait critiquer auparavant (notamment à travers le lèche-bottes de la critique gastronomique et via le personnage de Tyler, joué par Nicholas Hoult) mais qui, dans les yeux de Margot, revêt une beauté insoupçonnée.

Cette oscillation du discours sur la gastronomie et plus largement sur l'art fait la force du film et ne peut laisser qu'une conclusion. Tant qu'une oeuvre d'art est réussie, elle est réussie, et tant qu'on est ouvert à l'expérience, on peut l'apprécier. Le reste on s'en fout. Même chose pour la cuisine. Un bon plat, c'est un bon plat. Je trouve ce discours très décomplexant et enthousiasmant.