Eh oui, je n'ai vu le "Mécano de la Général" pour la première fois qu'à l'approche de la cinquantaine, ce qui est carrément une faute pour un cinéphile qui se targue, comme moi, d'aimer le cinéma muet ! Mais j'ai eu la chance de le découvrir en 2004 dans une version magnifiquement restaurée, soutenue par une composition originale - et superbe - de Joe Hisaishi, et ça a été un très grand bonheur.


Je commencerai par les réserves d'usage : "The General" est moins drôle que la plupart des autres grands films de Keaton, qui a voulu cette fois réaliser un grand film d'action, qui plus est basé sur des faits historiques (quand même retravaillés par Keaton et son collaborateur Clyde Bruckman), et réalisé avec un maximum de réalisme, puisque le film a été tourné sur les lieux des événements, puisque l'effondrement du pont et la bataille sont reconstitués sans "effets spéciaux"... Il y manque également un peu de cette "touche poétique" émanant du flegme paradoxal de Buster, qui rend certains de ses films plus "intimistes" absolument magiques.


Néanmoins, ces "critiques" n'ont en fait que peu d'importance par rapport aux immenses qualités de "The General" : il s'agit là en effet de l'un des plus grands films d'action jamais tournés, tout en étant l'un des premiers et des plus chers aussi. Mais il s'agit surtout de l'un des moments les plus intensément physiques du Cinéma, où le travail burlesque de l'acteur se démenant sur et autour de la machine (je pense en particulier à la nécessité constante, même au milieu du danger, des combats, d'alimenter la chaudière) génère une rare fascination.


Mais au-delà de son efficacité "spectaculaire", "The General" est, comme tous les grands films, une mine de réflexion, c'est un film qui se prête à des dizaines de visionnages et à encore plus d'analyses : la linéarité puissante - et éminemment cinématographique - de son scénario en forme d'aller-retour (il m'a semblé d'un coup que George Miller s'était largement inspiré de ce film séminal pour ses "Mad Max", le dernier volet reprenant d'ailleurs ce même principe d'aller-retour), la réflexion, non dénuée d'ironie, sur le héros américain, sur ce qui le motive et sur la réalité de ses exploits, la perspective du spectateur qui voit ce que le héros - distrait ou trop occupé - ne voit pas, etc.


Symphonie mécanique absurde où l'homme-objet reste porteur d'espoir malgré tout, "le Mécano de la Général" est aussi, et restera toujours on l'espère, un spectacle total qui fait naître les cris et les rires des enfants en 2020 comme il le faisait il y a... un siècle déjà !


[Critique écrite en 2004 et complétée en 2020]

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le 25 mars 2020

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Eric BBYoda

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