L’innocence du début des années 80 : un phénomène bien lointain...

Sorti fin 1981, Le Maître d’Ecole met en scène Coluche en enseignant « improvisé » dans une école de province qui découvre les rouages du métier directement sur le terrain.

Sans se prétendre sérieux, le film nous plonge dans une époque pas si lointaine sur le plan temporel mais à des années-lumière en termes de mœurs et d’ouverture d’esprit : LE DÉBUT DES ANNÉES 1980.

La légèreté prime, le but premier est ici de divertir. La réflexion sociétale n’est que secondaire même si elle n’est pas dénuée de sens. Plusieurs axes de réflexion sont ainsi présents :

• La place de l’enseignement à l’époque et son panel représentatif d’enseignants. Le Directeur-enseignant multi-tâches à l’ancienne, le syndicaliste revendicateur, la dépressive suicidaire au bout du rouleau et au milieu de tout ça le collègue sympa, naïf mais plein de bon sens, qui débarque dans le métier sans expérience mais avec une vraie approche humaine auprès des enfants.

Le film met également en lumière des problématiques réelles propres à l’enseignement de l’EPOQUE, problématiques encore actuelles et dont la profondeur n’a fait que s’accentuer : le sous-effectif des enseignants face à des classes de plus en plus surchargées, la grande difficulté à remplacer les profs absents, la polyvalence exacerbée que l’on demande aux enseignants, le syndicalisme revendicatif qui n’arrange rien, le risque de burn-out qui touche les enseignants... Bref, les temps changent, les problématiques restent !

• Certains faits de société, comme la peine de mort ou l’homosexualité, qui investissaient de manière importante le débat public de l’époque, apparaissent de manière assez innocente dans la bouche des enfants. Les débats visibles dans le film, modérés avec sagesse par le personnage de Coluche, sont pleins de bon sens tout en restant dans un esprit enfantin.
• Et il y a la place des enfants, pas très engagée il est vrai mais visible. Le fils du maire premier de la classe qui met à mal l’autorité, la petite fille dont les parents sont en plein divorce... Quelques exemples auxquels les enseignants peuvent se retrouver confrontés dans leur pratique, et face auxquels il n’est pas toujours simple de trouver le bon positionnement.

Des axes de réflexion qui serviront d’accompagnement à une ambiance légère et drôle, ponctuée de bons gags : gags de situations (la visite surprise de l’Inspecteur en plein débat sur l’homosexualité, Coluche qui se retrouve à gérer 3 classes en même temps...) et gags qui ont attrait aux personnages (le syndicaliste qui ne fait « pas de politique », la dépressive qui fait du gringue...).

Mais le constat le plus frappant de ce film est la force de son époque, visible à travers plusieurs scènes. Des scènes tournées à l’époque avec une innocence manifeste, qui aujourd’hui choqueraient et enflammeraient associations et réseaux sociaux, allant probablement jusqu’à la censure du film. On y voit par exemple Coluche hébergeant en secret une petite fille malheureuse dont les parents divorcent, ou le petit Jackson en train de fumer pendant de longues secondes... Imaginez l’impact de ces scènes si le film était sorti aujourd’hui...

Bref, sans être un monument de la comédie, le film est agréable, drôle et émouvant à la fois, tout en s’ancrant bien dans sa génération. Coluche joue juste et montre une belle sincérité à l’écran. Un artiste et un Homme qui nous manquent terriblement...