Malgré ce modernisme dans les thèmes éculés, c’est avec les vieux pots qu’on fait les meilleures recettes. Scorsese revient aux affaires avec ses arguments les plus anciens. Travellings d’ensemble, montage racé faisant fi d’un rythme fougueux avec son acolyte Thelma Schoonmaker, acteur qui parle à la caméra, voix off omniprésente, tout y passe même si on regrettera une photographie pas toujours appliquée. Alors qu’on pouvait croire que le réalisateur américain allait nous refaire une redite de son diptyque Les Affranchis/Casino sur la montée et la chute d’un homme, Le Loup de Wall Street embrase tout sur son passage par sa faculté à ne pas se donner de limite tant c’est drôle et totalement désinhibé. Les scènes cultes défilent à une vitesse folle – la réunion sur le lancer de nains – et pendant trois heures durant, le film nous propulse dans un univers de débauche complétement jubilatoire et assumé, avec un étalage non dissimulé de blondasse toute plus hot les unes que les autres et toutes aux culs divins.


A l’image de son réalisateur, nous n’avons jamais vu Di Caprio aussi fou, aussi habité par son personnage, comme le confirme ces nombreuses séquences où tel un orateur forcené, il arrive à donner un souffle presque guerrier à une foule en délire. Il n’y a pas de point de non-retour, Le Loup de Wall Street est juste un aller simple vers l’excès le plus abrasif. A quoi ça sert de boire une putain de bière, si elle n’est pas alcoolisée et si on ne peut pas se déchirer avec ? A rien. A quoi ça sert, de prendre une pilule si elle ne fait pas effet ? Autant se goinfrer avec la boite entière. La bande à Jordan Belfort est en quelque sorte le miroir de notre société, celle qui se marre du malheur des autres, celle qui consomme l’argent comme une drogue, celle qui ne veut pas exister comme le reste du commun des mortels ou comme les ploucs que nous sommes, celle qui pisse sur les ordonnances du gouvernement et qui crie haut et fort « FUCK YOU USA ». Comme l’alcool et la drogue, l’argent est devenu addictif, et devient un moyen de s’aventurer dans le plaisir le plus excessif.


L’argent n’est plus un simple moyen d’échange ou un simple accès à la richesse. L’argent se jette à la poubelle et permet aux uns et autres de s’amuser comme des gros porcs, naviguant en yacht ou jet privé, s’empiffrant de lignes de cocaïnes et baisant putes sur putes. On est très loin des Affranchis où Scorsese filmait la vie de cette mafia un peu gauche en essayant de les rendre presque attachant et humanisé. Ici, les dés sont déjà jetés. Jordan Belfort est un gros enculé, personne ne passera par la case rédemption. Wall Street, ce monde parallèle, a engendré un monstre qui absorbe tout sur son passage, pour petit à petit donner naissance à toute une armée aussi folle que lui, à l’image de son bras droit, Donnie Azoff, joué par l’énormissime Jonah Hill. Le Loup Wall Street est un film aventureux, désagréable, cynique jusqu’aux bouts ongles, une claque magistrale, une leçon de cinéma.

Velvetman
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le 29 avr. 2015

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