Et bien, jolie découverte que ce Lauréat, requiem survitaminé pour la liberté d'une vie que l'on se choisit au lieu de la subir. A travers les yeux de Benjamin, joué avec fougue par un Dustin Hoffman surprenant, Nichols raconte l'histoire d'un jeune homme à l'aube de sa vie d'adulte, indécis quant au choix de sa vie future. Il va alors devenir le jouet érotique de Mrs Robinson, femme d'expérience au charme ravageur, et apprendre à apprécier ce côté insouciant que peut revêtir la vie. Il faut dire qu'Anne Bancroft a de sacrés atouts et de ce point de vue là, le film fait mouche, son charme et sa sensualité, associés à la réalisation inventive de Nichols permettent des scènes diablement efficaces, encore aujourd'hui !

Le lauréat impressionne dans toute sa première partie, où l’enfermement de Benjamin est rendu avec beaucoup d'inspiration. Les cadres sont ingénieux, oppressants la plupart du temps pareils à une cage qui semble enfermer le jeune homme. Les premières séquences sont marquantes, notamment cette séquence qui le fait se réfugier à côté de son aquarium, dans lequel un plongeur ligoté lui ressemble étrangement, apaisé par la sécurité de sa chambre d'enfant, seul espace où les adultes n'osent s'aventurer et où il peut éviter les questions assassines de ces quarantenaires accomplis à propos de sa future vie professionnelle. S'en suivent les scènes d'hôtel où Mrs Robinson initie le jeune Benjamin qui sont, à mon sens, les plus réussies du film avec celles de la fin.

Cette oisiveté entre les deux amants se verra interrompue dès le moment où la fille Robinson entre en scène. Dès lors, l'amour vrai, le plus pur, s'invite dans la partie et permet à Nichols, une nouvelle fois, d'insérer dans son film ses pistes de réflexion à propos du choc générationnel qui a lieu entre ces deux femmes. C'est dommage que tout cette seconde partie ne soit pas un poil plus développée, tout est un peu brusque. Trop de raccourcis font qu'on a du mal à vraiment croire à leur amour. Puis la fin vient relever le tout, très jolie, presque désabusée, à l'image du film qui pose des situations sans vraiment les juger. Le lauréat est un carrefour entre deux générations, plusieurs chemins sont possibles, il faut juste en choisir un sans trop le théoriser. Nichols se fait bien plaisir dans cette séquence finale, Benjamin qui pète la vitre avec la croix et enferme dans l'église tous ses occupants, c'est assez ironique.

On finira ce petit topo par un clin d'oeil au joli boulot accompli sur la bande son. Envoûtante, elle accompagne avec douceur le film et rentre dans nos petites têtes pour ne plus les quitter dès les premiers accords sauce Simon and Garfunkel enclenchés. Non vraiment, une jolie bobine, bourrée de sens mais pas trop, initiatrice de pensées sans être trop moralisatrice, le ton est assez juste et Nichols ne se perd pas dans son propos, à l'image du plan final qui propose à nos deux amoureux de nouvelles questions plutôt qu'un début de réponse.
oso
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le 17 févr. 2014

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