Le lauréat c'est d'abord un portrait de l'Amérique de 1967 entre libération sexuelle et mœurs rigides. Excusez-moi, j'ai dit "portrait"? Je voulais dire une critique acerbe. Ah non, en fait c'est bien un portrait. Pour la critique acerbe on repassera plus tard. Il faut dire qu'on présente tellement ce film comme une œuvre révolutionnaire que je m'attendais à beaucoup plus. On dit qu'il a provoqué un scandale à sa sortie, je veux bien le croire, mais ça à pas l'air bien compliqué de scandaliser l'américaine puritaine. Alors OK, Le Lauréat a une vraie portée historique : premier grand film du nouvel Hollywood, une manière de raconter les relations homme/femme peu habituelle à l'époque, et on peut rajouter premier grand rôle pour Dustin Hoffman (un acteur que j'admire beaucoup). Mais aujourd'hui il me parait un peu fadasse.
Et c'est pas seulement parce que le propos est daté. C'est surtout à cause de l'histoire qui commence par une adultère froide et dénué de sentiment, et qui finit par une romance à l'eau de rose comme on en voit depuis que le cinéma existe (ou presque). Pourquoi? C'était géniale cette histoire de sexe juste pour le sexe. La femme ne veut que s'envoyer en l'air avec un jeunot parce que son mari est au abonné absent. L'homme ne veut que se dépuceler et tuer l'ennui qui règne dans la maison familiale. C'était géniale et c'était nouveau.
Et puis au bout d'une heure Hollywood retombe dans ses travers et on a juste envie que ça s'arrête. S'il vous plait, pas d'amour passionnel impossible, pas de mec qui court à l'aéroport pour rattraper sa belle, pas de fin aussi niaise et prévisible. Tout mais pas ça! Même en 1967 c'est du déjà vu et revu. C'est vrai je force le trait, Le Lauréat n'est pas aussi cliché mais on n'en est pas loin.
Maintenant c'est le moment où je suis un peu plus gentil et je justifie mon 7/10. La réalisation de Mike Nichols est juste fantastique. Il multiplie les effets visuels toujours fort à propos, comme ces visages floutées pour symboliser le trouble, simple mais très efficace. Les acteurs sont tous excellents, à commencer par Dustin Hoffman, certes moyennement crédible dans le rôle du gosse de 20, mais franchement j'ai vu pire. Anne Bancroft est extraordinaire en femme cougar (je sais, anachronisme) malgré ses 36 ans elle en fait bien 40 (oups, ça se dit pas). Katharine Ross est un peu en dessous, mais elle est pas aidée par son rôle de nunuche. Et que dire de cette bande son par mister Simon et mister Garfunkel, qui nous enchantent de leur voix suave aux moments charnières.
Le Lauréat est un très bon film, mais trop de défauts l'empêchent de passer la barre du grand film. Trop mou, pas assez révolutionnaire, je m'en étais fait une grande idée, d'où ma déception. Tant pis, la grosse claque ce sera pour la prochaine fois.