Les films historiques traitant d'un sujet brûlant donnent généralement matière à se méfier, et souvent à raison. Si, effectivement, formellement le film est assez plat, avec même quelques pointes de mélo appuyées par une musique un peu trop présente, et des dialogues romantiques faibles mais heureusement peu présents, force est quand même de reconnaître que le film tient largement ses promesses, principalement grâce à la bonne tête d'aryen de l'acteur principal, archétype du juriste prêt à faire respecter la loi envers et contre tout.


Sauf que ce qui est intéressant ici, et qui fait que les deux heures passent très bien, c'est que c'est l'Allemagne entière qui se juge pour ses crimes. Du coup, on ne peut que se demander si ce juriste qui a décidé de juger les 8000 SS de Auschwitz n'est juste pas un homme en quête d'une vengeance absurde, persuadé de son innocence et de sa supériorité morale, contre de soi-disant monstres. Si le film parvient à porter assez loin cette réflexion, il faut quand même admettre que la fin est loin d'être satisfaisante, se contentant des classiques lettres blanches sur fond noir nous disant gentiment le résultat du film, écrites de manière un peu trop orientées.


En effet, le film développe une pensée quasi Nietzschéenne de la faute: toute faute ne nécessite pas de sentence et le jugement se fait pour la mémoire. Sauf que, si cette analyse est juste, ce que l'on peut regretter surtout c'est que le film ne développe pas les conséquences de cette mémoire, ne montre pas comment l'Allemagne a souffert moralement de découvrir que "tout les pères de tout les enfants étaient nazis", désormais figures du mal absolu. Parce que le film se conclue quand même sur un commentaire disant que Mengele est mort dans sa baignoire, invalidant un peu les conclusions établies au cours du film, qui sont il faut le dire peu communes au cinéma: finalement les monstres doivent être punis.


Bon après, ça se laisse très bien suivre, l'intrigue policière est assez tendue, on passe un bon moment, les acteurs dans leur costume année 50 sont assez classes, la reconstitution de l'Allemagne de l'Ouest de l'époque est réussie et le film est loin d'être idéologiquement nauséabond. Globalement, une réussite pour un premier film, même si manquant quand même d'ambition artistique: on a la désagréable impression qu'une biographie Wikipédia doublée d'une lecture d'Hannah Arendt auraient suffit.

W_Wenders
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le 1 mai 2015

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W_Wenders

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