Le Kid par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Une jeune mère désemparée par la naissance de son enfant décide de l'abandonner. Elle profite d'une voiture cossue en stationnement pour poser le bébé sur la banquette arrière du véhicule avec une lettre justifiant son acte. Passent alors deux vilains lascars qui volent la belle voiture mais le bébé se manifeste. Les deux affreux bonshommes prennent alors la décision d'abandonner l'enfant dans une petite rue d'un quartier populaire. C'est justement dans ce quartier que Charlie, un vagabond sans le sou, va découvrir le nouveau-né. Après maintes hésitations, le brave homme va décider d'élever à sa manière ce petit être. Quelques années plus tard nous retrouverons Charlie exerçant la profession de vitrier aidé, et de quelle façon, par le Kid! L'aventure commence...


Nous voici face à deux personnages aux destins diamétralement opposés. Charlie, vagabond, vit d'expédients. Il ne sera jamais riche mais la ruse et la débrouillardise sera l'apanage de ce genre de personnage. De l'autre côté, la Mère est une femme délaissée, désespérée qui se trouve dans l'obligation pour survivre de se séparer de son bébé. Durant cinq ans le brave homme va faire de son mieux afin que le petit être puisse déjà manger à sa faim et bien sûr pouvoir lui être utile dans son métier de vitrier. Et oui, notre Charlie est dans l'obligation de se trouver un métier pour avoir un logement et élever ce gamin qui un jour donnera un sérieux "coup de main" afin de faire prospérer les affaires de son père adoptif.


La mère, désespérée de chagrin, ne se remet pas de son acte d'abandon et décide de combattre les conséquences de son choix terrifiant. Devenue une cantatrice célèbre, elle tente de se racheter en offrant des jouets aux enfants des quartiers pauvres. Elle soulage sa conscience de cette façon mais le tourment la poursuit, son enfant lui manque, il doit avoir changé, elle voudrait tant au moins l'apercevoir.


Pour le Kid, la tendresse de Charlie est véritablement une aubaine et il exerce consciencieusement son rôle de "casseur de vitre" au nez et à la barbe du policier de quartier. Malheureusement l'administration tatillonne et inhumaine va tout faire pour séparer Charlie de son protégé en voulant mettre l'enfant dans une institution. La maman toujours en quête d'indices pour retrouver son fils arrivera t-elle à le revoir enfin et Charlie réussira t-il à récupérer son jeune protégé ?


Bien sûr, c'est le désir que nous avons tous en découvrant ce bijou. C'est le premier "petit long" métrage de Charlie Chaplin, il ne dure qu'une heure. Cette heure est un moment de bonheur, d'émotion et de révolte agrémentés d'une pincée de gags dont le réalisateur a le secret. Tous ces ingrédients fournissent un cocktail d'une merveille absolue. Ce cocktail est également fort et incisif lorsqu'il nous montre ces autorités poussées par des lois inhumaines pour les pauvres, situation que Charlie Chaplin pointe d'un doigt ferme. L'Amérique apparaît bien alors comme une nation dépourvue de bonheur et sans avenir pour les déshérités. La misère ira à la misère et l'argent à l'argent. Le travail se fait rare et tout cela est démontré dans le film par ces voleurs qui se mettent au volant d'une voiture de luxe, cette femme, simple outil de plaisir pour un homme, contrainte à se débarrasser de son enfant, quitte à vivre une existence torturée. Nous trouvons également ce vagabond fataliste vivant d'expédients et c'est de cet être démuni que viendra la dose d'humanité qui fait le bonheur de cette œuvre. Le sort s'acharne sur ces gens qui ne croient plus en rien et cela est fort bien décrit par une scène dans laquelle des anges se battent entre eux. Même le ciel, même Dieu ne sont plus là pour soutenir les faibles, là-haut on est aux abonnés absents.


Je ne vais pas m'étendre sur la qualité des acteurs à commencer par Charlie Chaplin absolument sublime, capable de nous faire rire mais aussi pleurer car il n'est pas ridicule de verser des larmes en regardant ce film. Le Kid, Jackie Coogan, est craquant, bouleversant et étonnant dans ce rôle très délicat d'enfant rejeté à jamais par la société américaine, celle-ci représentée par le flic de service, Tom Wilson, chargé avec son terrible regard débordant de hargne et de méchanceté de débusquer les pauvres gens. La Mère émouvante à souhait est admirablement interprétée par Edna Purviance. Tous ces acteurs du cinéma muet avaient un talent fou pour nous faire ressentir les sentiments, les joies et les peines de leurs personnages puisque aujourd'hui encore ils parviennent à nous émouvoir à travers des films inoubliables.


La carrière de Charlie Chaplin bien entamée, nous sommes en 1921, sera encore bien longue. Il va nous offrir d'autres œuvres qui laisseront éclater le génie d'une des plus grandes personnalités que le cinéma n'ait jamais connu. La preuve: notre Charlot traverse les époques sans une ride et toujours avec le même succès.

Créée

le 2 oct. 2014

Modifiée

le 26 sept. 2014

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