Charlie Chaplin est le maître de l'humour au cinéma et nous savons tous combien il est difficile de faire rire dans les salles obscures, bien plus que dans un « one (wo)man show ». Pour autant, le cinéaste a toujours su allier l'humour avec l'émotion. « Le Kid » de 1921 ne déroge pas à cette règle et semble même être le paroxysme de ce constat.

Le scénario ne présage pas forcément le meilleur : un enfant abandonné est adopté par notre Charlot préféré tandis que la mère biologique, devenue riche, cherche à retrouver son fils. De plus, les critiques saluent ce film comme étant l'un des plus émouvants de Chaplin. Pour autant, il m'est difficile voire impossible d'être déçu par un Chaplin et il a le mérite de ne pas céder à la tentation lacrymale tant redoutée.

Très court (50 minutes), filant à une vitesse folle, le film nous prend aux tripes à travers cette histoire remarquable entre un vagabond et un enfant qu'il va considérer comme son fils. Survivants d'espiègleries en tout genre, les deux vivent d'amour et d'eau fraîche (à prendre au premier degré) pendant cinq belles années jusqu'à ce que les services sociaux s'en mêlent.

Se terminant sur un « happy ending » convenu mais souhaité par le spectateur, la force de ce film est sa poésie permanente qui atteint son apogée lors de la scène où Charlot et l'enfant rêvent du paradis où les bons et les méchants seraient tous des anges pourvus d'ailes. Avec une mise en scène sobre mais efficace, Chaplin tire le meilleur de son casting (à commencer bien évidemment par lui mais aussi par l'étonnant Jackie Coogan, bouleversant de vérité notamment lors de la scène de la séparation).

Il ne faudrait pas oublier pour autant ce qui traverse le cinéma de Chaplin en filigrane : une critique acerbe de la société. La pauvreté, le rôle des services sociaux, l'avarice (le patron d'asile qui livre l'enfant pour obtenir l'argent de la récompense promise par la mère pour celui qui retrouverait son fils), l'injustice sont autant de thèmes développés avec subtilité dans le film.

En 50 minutes, Charles Chaplin nous fait passer par une palette d'émotions considérable jusqu'au dénouement final : larmes, cris, joies, sourires, colères, émerveillements mais aussi l'amour. L'amour de ces deux vagabonds que le destin a réuni, assis sur une marche, l'un les bras croisés fixant le spectateur, l'autre fixant l'horizon et l'avenir, sur cette affiche gravée pour l'éternité dans l'imaginaire cinématographique. Du très grand cinéma, du très grand Chaplin : les deux sont synonymes après tout.
potaille
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le 20 juin 2012

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