Le juge et l'assassin est un film singulier et très riche, mélange de film historique (basé sur un fait divers réel), idéologique, politique.
On y suit le parcours d'un exclu de la société qui devient cheminot (vagabond) tueur en série, violeur d'enfants. Un procureur parvient à l'indentifier et à l'attraper. Le juge va tout faire pour que l'on évite de le considérer comme irresponsable, comme fou. Un jeu de manipulation se mettra en place, et on se demande parfois qui manipule l'autre.
Le personnage du juge est particulier : un bourgeois très (trop?) attaché à sa mère, calculateur, faussement sympathique, trouble (la scène de la grange avec sa maîtresse...), qui laisse penser que derrière le vernis se cache une personne assez détestable.
Celui du tueur, Bouvier, l'est tout autant. Beau parleur aux propos parfois totalement incohérents, parfois absolument magnifiques, on ne sait pas trop quoi penser de lui, partagés entre le dégoût et la pitié pour cet homme que les pulsions débordent.
La société dans laquelle évoluent ces personnages est en pleine mutation, coupée entre le peuple de gauche, ouvrier, syndicaliste et revendicateur, et la bourgeoisie catholique anti-dreyfusarde, colonialiste (historiquement, il me semble que c'était plus complexe que ça, mais passons). On sent une tension permanente, des esprits étriqués qui n'ont pas peur de montrer leur haine et leur violence.
Le propos est résolument moderne et traite de la justice qui n'est pas la même pour les riches et pour les pauvres, de ceux que la société rejettent et qui deviennent fous, de ce que l'on doit faire avec ces exclus qui représentent un danger (les exécuter? les soigner?les interner?).
A la fin, le comparatif entre les meurtres de Bouvier et les morts d'enfants dans les mines m'a fait lever le sourcil, car si le but est de minimiser les crimes de Bouvier, je trouve cela assez discutable, et si le but est de dénoncer le fait que l'exploitation meurtrière des enfants est un problème qui aurait dû focaliser plus l'attention à l'époque, je trouve le parallèle assez douteux.