Après moult péripéties de tournage, un changement de réalisateur et le passage d’un diptyque honnête à un peut-être longuet triptyque, Bilbo arrive sur nos écrans. Il faut dire que l’attente était longue et que Peter Jackson via ses vidéos de tournages et les informations lâchées au compte goutte dans la presse a su nous émoustiller, fans de l’univers de Tolkien ou pas. Et le Néo-zélandais a plutôt intérêt à produire de la qualité tant la trilogie qui a fait de lui le réalisateur qu’il est a mis la barre haut. Petit tour des impressions de ce premier opus, en attendant donc, les suites des aventures du Hobbit.
L’histoire donc. Tolkien a écrit un conte pour enfant en imaginant Bilbo et c’est peut-être pourquoi le film peut paraître un poil enfantin par moment, notamment lors de scènes comiques assez lourdingues mais dont on sait qu’elles font partie à la fois de l’univers original mais aussi du caractère de Peter Jackson lui-même. Et le récit sous forme d’aventure initiatique aussi : on ne peut donc pas vraiment reprocher un changement de ton pour quelque chose de beaucoup moins sombre et pointu que ce à quoi on avait eu droit au début des années 2000. Pourtant, c’est l’une des deux grosses limites du film. Car sans tromper son public et en restant assez fidèle au livre (au diable les puristes, il s’agit tout de même d’une adaptation), Peter Jackson reprend les exactes mêmes ficelles qu’auparavant et en souligne les effets à chaque fois qu’il le peut (depuis le papillon aux aigles à l’herbe à pipe) et décide d’allonger un récit qui se voulait à la base rapide, voire même parfois expéditif car destiné à un public plus jeune. On rallonge des scènes de combats qui sont assez impressionnantes visuellement mais qui n’ont pas une très grande utilité quand on voit la forme que prend le récit : c’est simple, si le spectateur ne s’ennuie pas pendant les trois heures, c’est qu’il n’a pas le temps de souffler que les péripéties s’enchaînent et les ellipses sont parfois mal travaillées. On n’est pas en reste toutefois si tant est qu’on apprécie la Terre du Milieu et ses habitants, un retour aux sources pour le réalisateur qui a su retrouver ses marques au milieu des elfes et des gobelins et qui a su retranscrire avec talent certains passages cultes du livre – notamment le face à face Gollum/Bilbo.
Visuellement parlant, Bilbo est une réussite : effets spéciaux grandioses et paysages de Nouvelle-Zélande toujours aussi impressionnants. Toutefois, et c’est là la deuxième faiblesse du film, l’idée de doubler le nombre d’images par seconde afin de briser la barrière que représente l’écran est une erreur monumentale. Le débat a déjà eu lieu c’est vrai mais une piqure de rappel est toujours utile : le cinéma est un endroit d’émerveillements où le spectateur choisit ou non de franchir la barrière, de se laisser emporter dans l’histoire et l’imagination est la meilleure des technologies à notre disposition. Ici, le film passe dans un premier temps trop vite (l’œil a du mal à suivre et voit les scènes en accéléré) puis les décors ne sont plus crédibles : les armes et les armures en plastiques, les faux rochers… C’est dommage et le HFR n’est vraiment pas au point. Sans cela, le film prend toute sa dimension dans l’excès de Peter Jackson qui rend plus que justice à la Terre du Milieu : véritable amoureux de ce monde, il nous entraîne par delà les montagnes et on s’empresse de le suivre.
La musique et les acteurs. De ce côté-là, tout est convaincant, on n’a pas de mal à apprécier les personnages et même Thorin qui ressemble plus à ersatz D’Aragorn qu’à un nain nous est sympathique. Martin Freeman est lui aussi entré dans la peau du personnage et la touche British qui en ressort et d’autant plus appréciable. La musique vient servir les scènes épiques ou pas via des compositions toujours dans l’esprit de la précédente trilogie (une sorte d’hommage) avec toujours cette touche innovante qui reste en tête. C’est beau et ça en rajoute pour ce qui est de la dimension heroic fantasy. De toute façon, on n’en attendait pas moins et les acteurs sont même un peu secondaires tant on s’aperçoit que le personnage principal reste la Terre du Milieu elle-même.
Clairement un retour aux sources qui fait du bien mais dont on pouvait attendre plus. L’idée d’attendre deux films pour voir la fin d’un livre de 300 pages (et des annexes, archives supplémentaires…) peut paraître un peu exagérée. Surtout si c’est pour ne privilégier que l’action au détriment de ce qui peut se passer à côté parfois et oublier de correctement monter ses ellipses (il faut insister sur ce point). Néanmoins, on passe un bon moment de cinéma et on s’amuse à retrouver des personnages qu’on a connus il y a déjà un petit moment…