Du Ken Loach en France

L’histoire? Mais elle ne compte vraiment que pour moitié.
André Wilms est un vieil homme digne qui cire les chaussures. Il vit avec une femme avec laquelle il entretient des relations à la fois formelles et tendres.
Un jour, on découvre un container plein d'immigrés clandestins noirs.
Un enfant d'une dizaine d'années fuit et évite ainsi d'être arrêté.
André Wilms (la vie est un long fleuve tranquille) rencontre cette enfant en fuite.
Il le prend sous son aile et décide de l'aider à retrouver sa mère en Angleterre. Il reçoit l'aide des commerçants du quartier qui l'apprécient et de façon plus imprévue celle du commissaire de police JP Darroussin.
L’histoire n'est pas anodine, sur une vingtaine d'immigrés, un seul passera en Angleterre, et cela en vaut la peine évidemment. Pour les autres "la cruche retourne toujours au puits" comme déclare le grand-père de l'enfant

Mais le charme de ce film tient aux acteurs (presque tous vieux) et aux relations désuètes qu'ils entretiennent. Il y a dans ce film, quelque chose de la comédie sociale de Ken Loach mais avec des acteurs français dirigés par un réalisateur finlandais;
Ce qui est saisissant c'est le style, le vocabulaire, l'élocution d'André Wilms guindé, vieille France, pauvre mais digne, excessivement soigné: il n'a que deux costumes mais le second est impeccable comme ses chaussures parfaitement cirées, non par lui, mais par sa femme. En contrepoint la façon dont les commerçants se méfient de lui parce qu'il accumule les dettes et en même temps l'estiment profondément et sont prêts à lui rendre tous les services qu'ils peuvent.
Il y a là une volonté de montrer comme chez Ken Loach, la gentillesse, la générosité, la solidarité dont font preuve des gens eux-mêmes, pauvres, quelques fois démunis.
Le personnage de JP Darroussin est aussi fort bien construit. Il a tout d'un Javert en veste de cuir et chapeau de commissaire, il voit ou devine tout, il pourrait être très menaçant et chacun s'en méfie mais dans cette histoire-là il ferme les yeux et donne des coups de main.
Il est facile de défendre les bonnes causes et les bons sentiments. Il est facile de montrer la générosité des pauvres (facile parce qu'ils ne sont pas toujours généreux et que les riches ne sont pas toujours rapaces) mais on ne peut qu'applaudir à la beauté de ce film qui relie le passé au présent, le rêve (quelque chose d'un conte) à la réalité (parce qu’après tout il se peut bien que l’on aide et sauve un immigré sur 30)