Je réécris ma critique après une énième vision du film, pour pouvoir la développer mieux.
Je suis partie à la recherche du pourquoi, de ce qui fait très précisément que j'aime ce film, à ce point là, alors que je ne cesse d'entendre autour de moi tellement de critiques à son sujet et à celui de son auteur.

J'embarque donc une fois de plus au pays des Vikings, et ça ne loupe pas : je suis tout de suite immergée au milieu de la brume qui environne les montagnes, comme l'impression d'être assise dans un coin, juste à côté du grand One-eye, jusqu'à pouvoir entendre son souffle voire sentir son odeur. Mikkelsen, acteur absolument formidable, est ici au summum du magnétisme. Résolu à suivre son destin, s'en aller se perdre aux enfers pour atteindre le Valhalla, il écrasera tout ceux qui se mettent sur son passage.
Certes, il ne parle pas, mais moi j'entends toute sa détermination, sa puissance, je n'arrive pas à détourner les yeux de lui quand il est à l'écran. En terme de jeu, il livre une prestation éblouissante.
Ses comparses sont d'ailleurs tout aussi fascinés par le guerrier, il est au milieu d'eux comme une figure prophétique, et le rappel, le poids de leur propre perte imminente. Le garçon, seul qui comprend le guerrier, est comme en apprentissage, la relève annoncée du guerrier, qui retournera chez lui pour mieux revenir aux enfers n'en doutons pas.

Il est intéressant de noter qu'il y a dans ce film exactement le même plan sur les poings du guerrier qui se serrent, après un combat forcé, avant d'être ramené dans sa cage, que sur les poings de Julian, à plusieurs reprises, dans Only God Forgives. Pour moi il s'agit dans les deux cas de l'expression d'une entrave, le guerrier est littéralement enchaîné et emprisonné, Julian l'est abstraitement, dans sa relation aux femmes et à sa mère et son impuissance. Les deux hommes utilisent la même méthode pour se libérer : la violence. Ca réussira très bien à l'un, un peu moins à l'autre, qui ira jusqu'à se faire couper les mains. Ce n'est pas surprenant, dans la mesure où tous les films de Refn sont baignés de violence.

Bien que silencieux je suis donc à l'écoute de One-Eye, qui m'emmène sur un bateau, puis droit en enfer, et la fatalité qui s'abat sur lui, je ne l'ai jamais aussi bien sentie dans un film qu'ici. Il y a cette émotion qui me submerge alors que One-Eye contemple le paysage qui lui servira de tombeau. A chaque fois j'aimerais qu'il décide de faire demi-tour. Plus il monte, plus il avance jusqu'au point de non-retour, plus j'ai ce poids qui écrase ma poitrine. J'ai d'ailleurs constaté que je finis sans y manquer le film à bout de souffle, comme si j'avais couru après le guerrier pour le retenir.

Pour ce qui est des aspects techniques de la réalisation, la photo est magnifique, chaque plan est comme un tableau, avec des couleurs, verts, bleus, gris, marron, et rouge, bien sûr, sont au service de la mise en scène. Le son, comme toujours ( et je ne sais pas comment ni pourquoi) , est parfait, on entend le moindre bruit. La bande son est bonne sans être omniprésente.

Pour moi le cinéma de Refn est un cinéma sensuel, au sens propre du terme. Il engage mes sens à chacun de ses films et j'ai toujours l'impression d'être au milieu de l'action, physiquement. Et encore plus dans ce Valhalla Rising, qui m'a enchainée à son héros, me condamnant à le regarder encore et encore, tout comme le guerrier devra partir se sacrifier, encore et encore.
EIA
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Films, Les meilleurs films coup de poing, Pour les acteurs, Ces films que j'ai vu plusieurs fois de suite et Réalisateurs préférés

Créée

le 23 août 2012

Modifiée

le 26 mai 2013

Critique lue 1K fois

27 j'aime

13 commentaires

EIA

Écrit par

Critique lue 1K fois

27
13

D'autres avis sur Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
Eren
6

Dans la brume scandinave.

Depuis quelques semaines, je me suis préparé à revoir Valhalla Rising. Il était là, dans mes fichiers d'ordinateur, attendant que j'appuie sur le bouton play. Un de mes éclaireurs (Truman, pour ne...

Par

le 17 nov. 2013

83 j'aime

18

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
takeshi29
9

Un réalisateur de plus en plus fascinant

Film radical, sans concession, le dernier Nicolas Winding Refn va plus loin que la trilogie "Pusher" et tend de plus en plus vers un cinéma sensoriel, d'une puissance renversante. Voilà donc du...

le 3 juil. 2011

62 j'aime

3

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
Caledodub
7

Au pays des aveugles, le borgne échoit

- Tu ne comprendras point Comment expliquer ce que je venais de voir ? Certes, je pourrais dire que la trame ressemble à celle d’Aguirre, la colère de Dieu. Et après ? Alors, j’ai pris mon épée de...

le 11 mai 2016

57 j'aime

6

Du même critique

Noé
EIA
6

4,5,6 ? Flou mystique

Au sortir du cinéma, s'il est une chose évidente, c'est que Noé ne laisse pas indifférent. La salle, comble, se déverse sur le trottoir sous les rires moqueurs et les oh! admiratifs, on donne son...

Par

le 13 avr. 2014

80 j'aime

48

Nostalghia
EIA
10

PS : I love you

Tellement de choses à dire de ce film.. D'abord, la honte de n'avoir jamais vu un film de Tarkovski avant ça, celle même de ne jamais en avoir entendu parler avant de passer mon temps sur Sens...

Par

le 25 juil. 2013

63 j'aime

15

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur
EIA
10

"Viens au pays des Schtroumpfs, ou tout est merveilleux..."

Aujourd'hui j'ai mis deux dix. Soit quelqu'un a réussi (très discrètement) à m'administrer des petites pilules qui font voir la vie en rose, soit je suis une sacrée veinarde. J'ai toujours cru en ma...

Par

le 2 août 2014

60 j'aime

11