Satire intrigante d'une société de consommation enfermée dans sa propre image - car nous sommes en 1967, en plein cœur des Trente Glorieuses -, et surtout joli prémisse à l'oeuvre de Scorsese, dont le fil conducteur semble résider dans la couleur rouge qu'est celle du sang et dans la dénonciation provocante des travers de la société. Si l'on ne peut pas vraiment saluer la photographie, le montage ou encore le jeu d'acteur - qui ne fait que se raser -, c'est qu'ils se calquent volontairement sur l'aspect d'une pub lambda de l'époque. Ainsi, l'intérêt réside dans ce qu'il en ressort. La nonchalance de l'homme face à son propre sang montre bien cette confiance aveugle que voue notre société aux images, se jetant littéralement dans la fosse aux lions si besoin est. L'apparition soudaine du sang face à la répétition du rasage pourrait aussi signifier que, lorsque l'on gratte un tant soit peu la peinture (ici, la peau), la vérité ne tarde pas à éclater (ici, le sang). Alors Scorsese veut-il faire un cas général ou inciter à l'interrogation en montrant l'inefficacité de ce rasoir ? Peut-être cherche-t-il à montrer l'attachement névrotique à l'apparence, ce qui expliquerait la répétition des rasages ? (On pense immédiatement à l'American Psycho d'Ellis) Ou peut-être veut-il simplement nous introduire à son univers par l'humour noir et le dérangeant... Cette oeuvre qui indigne et questionne donnera lieu à une longue série de films dénonciateurs (Les Affranchis, Les Infiltrés, Le Loup de Wall Street...).
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