Avant d'entrer dans l'écurie Pixar, Brad Bird avait déjà prouvé qu'il avait tout d'un grand. Son parcours débuta un petit temps chez Disney, avant qu'il soit engagé chez Klasky Csupo afin de travailler pour le compte de séries comme Les Razmoket et même Les Simpson (pour les connaisseurs - je vous embrasse ! - il a réalisé l'épisode introduisant le célèbre vilain Tahiti Bob), pour finalement atterrir plus tard chez la Warner afin de diriger son premier film d'animation.


La suite vous la connaissez (ou pas), mais il va bien falloir meubler cette critique alors... A cause du manque de promotion de la part de la Warner (suite à l'échec du précédent film d'animation du studio, Excalibur l'épée magique), Le Géant de Fer fut, certes une indéniable réussite critique, mais aussi et malheureusement un beau - et impardonnable - four, ne rapportant même pas la moitié de son budget.


C'est par une transition inexistante que je vais donc en venir au fait. Un revisionnage a eu, une nouvelle fois, raison de moi tant ce dessin animé est d'une grande beauté. Mais je ne nie pas l'effet qu'a eu le premier visionnage non plus. Je ne m'attendais pas au torrent d'émotion qui m'a envahi à la fin.


Alors oui, je vous vois venir. Je ne vais pas vous dire le contraire, une amitié surréaliste entre un jeune enfant et une entité venue d'ailleurs, ça n'a pas grand-chose d'original (coucou E.T.). Le style graphique pourra en rebuter certains, notamment au niveau du chara-design, et je n'irais pas jusqu'à dire que c'est le plus recherché (mon amour pour la jolie trogne de Mme Hughes mis de côté).


En dehors donc du thème de base simple, le génie du film réside dans son écriture qui sait aller au-delà de l'apparent manque d'originalité. Les personnages ont droit à un traitement qui va au-delà de l'étiquette "clichés sur pattes" (sans pour autant s'en détacher complètement pour certains, mais ça ne les empêche pas d'éviter d'être totalement génériques), et c'est très appréciable. Je veux souligner tout particulièrement Kent Mensley, l'homme du gouvernement qui n'est pas aussi unidimensionnel qu'il ne veut le faire croire et qui représente bien toute la paranoïa de l'Amérique de l'époque, prête à détruire la menace sans toujours prendre en compte les conséquences.


Car oui, avec Le Géant de Fer, Brad Bird décide de placer son intrigue en plein dans la Guerre froide, contexte ô combien difficile à traiter, surtout quand tu veux faire ton film à destination des enfants. Notre géant vient d'on ne sait où et évoque facilement la question des armes à grande échelle et la peur de l'inconnu chez le gouvernement. Kent l'explique bien : il n'est pas américain et ça lui suffit pour le mettre en doute. Le parti pris de Brad Bird et du scénariste Tim McCanlies est tout à fait louable, ils n'hésitent pas à aller à fond dans leur propos. La guerre nucléaire y est totalement explicitée et on y parle même de la notion de la mort et du danger des armes.


Au milieu, il y a donc l'amitié naissante entre le jeune Hogarth et cette entité de métal venue d'ailleurs. Le géant apprend, il découvre notre monde tout comme il se découvre, il se voit enseigner les notions de la vie et donc de la mort (la remarquable scène du cerf), le principe de l'âme et d'être ce qu'on choisit de devenir... Il représente bien tout le génie du propos, dans sa volonté de bien marquer la dualité entre la fable enfantine et la dure réalité d'un contexte pas franchement rigolo. Oui, il faut dire, notre géant n'a pas choisi la meilleure époque pour atterrir sur la Terre. Entre le garçon qui voit le robot comme un "Big Friendly - Iron - Giant" et le gouvernement qui le voit comme une menace anti-américaine, il y a tout un fossé.


Et en cela, je trouve la fin absolument géniale.


Avec notre géant qui est décidé à faire le bien et à devenir un super-héros, car c'est ce qu'il a choisi. Il sauvera la ville d'une destruction par l'arme atomique, non sans laisser sur mon visage une belle flopée de larmes, amplifiant la force des minutes précédentes avec la ville désormais consciente qu'elle sera exterminée par la bombe. Quand le désespoir fait place à l'espoir, sans toutefois oublier que cette fin doit rester bien triste. Et ça fonctionne !


Je pourrais tergiverser encore sur tout ce qui fait la force du film, mais je vais devoir conclure : cette première incursion de Brad Bird dans le domaine du long-métrage animé est une réussite totale. Un conte à la fois drôle, léger, et terriblement dur et émouvant, pour les petits comme pour les grands. Jamais simpliste, toujours beau, et toujours aussi efficace envers mon petit cœur tout mou.

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le 16 août 2017

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Nick_Cortex

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