J’avoue sans fausse honte un faible prononcé pour les dessins animés, je pense que ce ne sera une surprise pour personne d’ailleurs, et si la plupart des films d’animation numériques contemporains me laissent froid, je suis toujours partant pour passer un bout d’après-midi sous ma couette à regarder des traits reliés ensemble me raconter une histoire…

Malheureusement, comme souvent dans l’histoire de l’art, les conditions de production évoluent, le public change, certains artistes géniaux changent la face de leur métier et d’autres non et parfois, hélas, on perd un savoir-faire irrémédiablement.

Je crois que c’est dans les bonus de Dumbo que les principaux animateurs du plus grand studio d’animation contemporain se trouvent à discuter de ce dessin animé de 1941 en reconnaissant modestement être absolument incapables d’approcher, même de loin, une telle perfection technique dans l’animation, c’est comme ça, reconnaissent-ils à regrets, on a perdu le secret, on ne peut plus refaire ce genre de choses, on ne sait plus.

Moi, franchement, lorsque ce Géant de fer est sorti, vu l’état désastreux de l’animation occidentale d’alors (Dieu merci, un grand pays d’Asie n’a pas connu la même histoire et suivait une évolution différente) je n’avais aucun espoir de quoi que ce soit et je ne me suis même pas posé la question d’aller voir ça. Il a fallu que je lise ici ou là des commentaires élogieux me le conseillant et ce y compris chez de vieux barbons peu susceptibles d’être aveuglés par leurs souvenirs d’enfance pour que je commence à avoir envie de lui laisser sa chance. Une occasion faisant le larron, c’est chose faite depuis tout à l’heure…

Alors pour commencer et très rapidement, parce que si vous n’êtes pas capables de comprendre qu’il y a un monde esthétique et technique entre ce film et les chefs-d’œuvre du genre, votre avis sur le sujet m’importe peu, le film est, comme souvent, très médiocrement dessiné, surtout au niveau des personnages humains, d’une qualité toute télévisuelle, et leur animation laisse à désirer comme à l’ordinaire, ni plus, ni moins, avec la touche hystérique qui semble à présent incontournable. De ce côté là, aucune bonne surprise à attendre…

Ensuite, il y a l’histoire, pâle remake d’E.T. qui remplacerait le lombric hydrocéphale par un ersatz de Goldorak qui serait cousin des robots du Château dans le ciel, seul modèle supportable par ailleurs, ce qui ne l’empêche pas d’être maladroitement animé pour autant, ce fichu robot, mais bon, il s'est fait une bosse, du coup il est gentil et con comme un cruchon et il saccage gentiment tout ce qu'il traverse et renverse comme arbres, poteaux télégraphiques ou électriques et le tout sous le seul regard du charmant bambin surdoué jalousé par ses petits camarades de classe.

Un gamin insupportable, donc, pénible comme un sale gosse, excité en permanence, la cervelle dégoulinante de comics puérils et de jouets débiles se retrouve un jour avec un robot géant extra-terrestre qui mange du fer, ne rouille pas et adore croquer des bouts par-ci par-là sans aucune logique juste pour que le gouvernement puisse déléguer une sorte d’inspecteur gadget rouquin et très méchant qui enverra finalement l’armée, la bombe atomique, la fin du monde, ce que vous voulez, plus rien n’a d'importance, de toute façon le robot est magique, il se transforme de partout, possède mille armes bizarres alors qu’une seule suffirait et vole comme Superman pour sauver le reste du monde ou enfin juste la moitié parce que c’est la guerre froide quand même.
Je suis certain, empiriquement, que des spectateurs parmi vous ont rêvé d’être à la place de ce gosse, d’avoir comme compagnon de jeu un robot géant tout puissant à ses ordres, ce genre de choses, moi, absolument jamais.

Pendant ce temps-là, la petite ville de rouquins n’a aucun charme, aucune vie, aucune substance, il y a même un ami adulte inutile du gamin qui ne sert pas à grand chose et dont le look et la nature donne des envies de meurtre. Heureusement, les scénaristes d’aujourd’hui savent toujours caser huit ou dix gags du meilleur goût à base de papier toilette, de laxatif et d’intimité sur le trône, nul doute que les enfants les plus dégénérés d’entre vous n’en souillassent à de multiples reprises leurs culottes courtes, mais je crois que je vais passer mon tour…

Au milieu d’une absence complète d’histoire valable nous avons tout de même le droit à tous les clichés possibles et imaginables avec tentatives de pleurs dans les chaumières à coups de chasseurs de daims cruels, de méchants militaires, et d’imbécillités en tous genres qui m’ont donné envie de gifler le premier gamin que je croise. Heureusement, je ne suis pas sorti aujourd’hui et j’aurai tout oublié demain, mes familles de voisins peuvent dormir tranquille.

La prochaine fois que vous voudrez me conseiller un film d’animation mal dessiné, pauvrement animé et avec une histoire aussi stupide que convenue, soyez gentils, cherchez une autre victime, je déteste m’ennuyer à vomir devant un film.
Torpenn
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le 19 sept. 2013

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