La note que j'ai attribué à ce film est une gageure.

Parce que l'embarcation, à la base, prend le large avec deux grosses voies d'eau: un scénario prévisible à la scène près et un enjeu qui laisse pour le moins dubitatif.

Comment, en effet, faire tenir un suspens entier sur un personnage qui n'inspire à priori que très peu de sympathie (et donc à fortiori d'empathie) et dont le rôle historique n'a pu être que fort ténu (hors d'Angleterre, c'est un peu la première fois qu'on en entend parler). Je veux bien que la parole du roi ait de l'importance mais il me semble que le speech de Churchill, un peu plus tard, ait eu autrement plus d'impact que celui dont il est question ici.
Du coup, nous voilà spectateur d'une scène finale un poil surréaliste (et usant d'artifices grossiers: la septième de Beethoven, merci, on a déjà donné) dont l'issue ne dépend que du fait que le gonze va bredouiller ou pas.
Et tout le monde, spectateurs du film comme tout ceux qui tournent dans l'histoire autour de Bertie, d'être ému aux larmes et de baigner dans la félicité la plus totale parce que c'est réussi. Euueuh... y quand même une guerre mondiale qui démarre et ça devrait être autrement plus important et triste que ce qui vient d'arriver, non ?

Du coup, pourquoi ça fonctionne ?
Par un jeu d'acteurs assez superbe, il faut l'avouer: pas de maillon faible dans la distribution. Firth et Rush sont somptueux, et même Carter et Pierce (lui, c'est pas étonnant, mais c'est juste un petit rôle) sont épatants.
Les dialogues ne sont pas en reste, leurs qualités rendent les scènes fort agréables et ceci allège fortement l'aspect méga-prévisible de l'ensemble.
L'autre élément très fort qui, à mon avis, emporte l'adhésion du plus grand nombre, concerne le thème intrinsèque de l'histoire: rares sont ceux, parmi nous, qui sont à l'aise lorsqu'ils doivent s'exprimer devant un grand nombre de leurs congénères.
Sans aller jusqu'au bégaiement (Hoouuu, le trauma enfantin et la rigueur de l'éducation anglaise, surtout lorsqu'elle concerne la famille royale !), on peut tous facilement comprendre instinctivement les enjeux dramatiques de l'histoire. D'ou une identification et une empathie (celle-là même dont je parlais au début) qui manquait à priori.

Bref, un moment agréable mais qui laisse un arrière-goût.
Qui ne s'estompe pas avec le temps.
Au contraire.

Typiquement le genre de film qui est destiné à venir garnir mon étagère "Dévaluation et réévaluation: bienvenue à la bourse senscritique.com"
http://www.senscritique.com/guyness/liste/43347/devaluations-et-revaluations--bienvenue-a-la-bourse-senscritique/
guyness

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