Le Diable, tout le temps, jusque dans son final énigmatique : l'apaisement et la rédemption semblent enfin avoir été trouvés avant que le plan, troublant, ne laisse apparaître les contours d'un sosie de Marylin Manson aux côtés du jeune héros fugitif, tombant de fatigue. Tous deux se rendent à Cincinnati, pourtant la chronologie des faits rend la séquence douteuse, impensable. Ca ne peut pas être lui, mais pourquoi ce doute?
Le film d'Antonio Campos ne lâchera pas le spectateur pendant ces deux longues heures sombres comme la mort, film choral funèbre dans une Amérique d'après-guerre maudite, gangrenée par les prédicateurs secoués, pervers, les sheriffs corrompus, les tueurs narcissiques, la foi dangereuse. Ode aux paumés, ode aux guns, dissection brutale et sans concession de l'Ohio dont l'Amérique de Trump fait aujourd'hui échos. Donald Ray Pollock narre lui-même les mésaventures des protagonistes avec fatalité, sans porter de jugement particulier. Il raconte simplement la désillusion, la culpabilité, la rédemption par le sacrifice, les jeux dangereux. Elle est actrice sans être écrasante. Elle est dans le fond d'une violence inouïe, plus encore que ces vagues de violence brute. Le Diable, tout le temps aurait aussi pu s'appeler Dieu, tout le temps. Sans tout à fait avoir l'ampleur émotionnelle d'un There Will Be Blood, le film possède de jolis atouts (réalisation d'ampleur, interprétation magistrale) qui lui feraient presque oublier son rythme balourd et son extrême noirceur où la rédemption ne semble exister qu'au prix du sang.