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Attention… du très lourd sur Netflix en cette rentrée de septembre ! Le Diable tout le temps, la dernière réalisation d’Antonio Campos (série The Sinner), ne laisse en aucun cas indifférent… on adore ou on déteste. Un thriller obscur sur fond spirituel et à tendance gothique avec un casting cinq étoiles.


En adaptant le roman éponyme de Donald Ray Pollock publié en 2011, Campos nous plonge dans un récit sauvage sur la mort, le dysfonctionnement et la perversion de la foi, étayé par un véritable puits d’humanité. Ce récit puissant et violent prend racine dans les banlieues rurales du Midwest, où Campos explore comment un tempérament brutal peut se transmettre d’une génération à l’autre alors qu’une foi malavisée corrompt, détruit et pervertit. Une sorte d’acte d’accusation incisif et troublant sur les abus de la foi, afin d’extraire et d’éclairer l’obscurité qui règne au cœur de l’Amérique rurale (ou dite profonde), du 20ème siècle. Ce faisant, il peut nous en apprendre beaucoup sur l’état de ces lieux aujourd’hui. « Cela n’a probablement pas beaucoup changé », dit d’ailleurs l’un des protagonistes, « les petites villes ne changent jamais ».


C’est donc un film qui aborde les cycles de violence et la façon dont les conséquences se répercutent sur plusieurs générations. À l’instar de The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance, le film examine l’inévitable transmission de la brutalité à travers les arbres généalogiques, et ce avec sans doute plus de cohérence que ne le permettait la structure narrative en triptyque de Cianfrance. Antonio Campos veille, au contraire, à ce que ses récits soient toujours bien synchronisés, ce qui n’était pas une mince affaire car de nombreux fils narratifs doivent être ainsi démêlés puis à nouveau entremêlés.


Lorsqu’on voit l’un des personnages de Le Diable tout le temps bailler ouvertement à l’annonce d’une escalade de la guerre au Vietnam, c’est un symbole aussi clair que possible que les conflits, la violence et les effusions de sang sont devenus un lieu commun pour tous ces gens. Et d’ailleurs, le drame dense déborde en effet de personnages, réunis par le destin et les circonstances. L’immense distribution comprend Bill Skarsgard dans le rôle de Willard Russell, un ancien Marine qui a subi des pertes dévastatrices ; Tom Holland, le fils de Willard, enclin à la violence qui se verra enfermé dans une spirale infernale, qui adore sa demi-sœur (Eliza Scanlen) ; Robert Pattinson, un prédicateur charismatique avec un affreux penchant pour « la séduction » ; Riley Keough et Jason Clarke, dans le rôle d’un couple dépravé et particulièrement sanguinaire ; Mia Wasikowska, une chrétienne dévouée qui est mariée à Ray, un fou furieux, joué par Harry Melling. Pendant ce temps, un shérif fourbe (Sebastian Stan) suit leurs crimes passionnels, laissant sa propre trace pécheresse en chemin. Tout ce petit monde se mêle et se se démêle, liés de diverses façons et pour diverses raisons.


Ce chaudron ténébreux gothiques, tranquillement bouillonnant, que dévoile Campos est subjugué par la photo splendide de Lol Crawley et magnifié par la musique minimaliste mais terriblement efficace de Danny Bensi et Saunder Jurriaans. On appréciera aussi la bonne idée d’avoir choisi Benoît Allemane (voix française régulière de Morgan Freeman) pour doubler Donald Ray Pollock (le narrateur) dans la VF et apporter ainsi une tonalité grave et en totale adéquation avec le scénario.


Avec Le Diable tout le temps, Netflix nous offre un portrait bouleversant du risque possible attenant à un extrémisme possible de la religion chrétienne, d’une véritable perversion subtile de la Bonne Nouvelle mettant en scène la violence qui alors s’y rapporte quand, en plus, elle se transmet de générations en générations, et quand le terrain humain et sociétal lui offre le terreau idéal. Une œuvre noueuse et expressive à la distribution spectaculaire et à la direction formelle rigoureuse d’Antonio Campos, qui s’enfonce très profondément dans l’âme obscure de l’Amérique fervente.

GadreauJean-Luc
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le 20 sept. 2020

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