"Le roi est mort, vive le roi".
En 1908, Puyi, alors âgé de presque trois ans devient empereur de Chine. Trois ans plus tard il abdiquera. Drôle de destin pour ce petit garçon qui ne sortira de la cité interdite qu'en 1924. La cité interdite, prison dorée, prison des regrets pour l'empereur en exil. C'est ce destin incroyable et méconnu que retrace le film de Bernardo Bertolucci.


L'Histoire de la Chine est passionnante mais assez peu connue. Moi-même je dois avouer que je connais très peu ce grand et beau pays millénaire. Alors quoi de plus intéressant qu'un biopic sur celui qui fut le dernier empereur de Chine?
Dès les premières images, Bertolucci captive son spectateur. A la manière d'un Kubrick dans "Barry Lyndon", il nous présente une série de tableaux vivants et poignants. Celui du jeune Puyi, que l'on arrache à sa mère pour être emmené dans la cité interdite afin de devenir le prochain empereur de Chine, est sans doute le plus déchirant. Puyi ne reverra plus jamais sa mère, même lorsqu'elle mourra. Bertolucci offre alors à nos yeux la vie au sein de la cité interdite. Les plans splendides s'enchaînent, parfois émouvants, parfois bizarres, parfois drôle. Cérémonies en l'honneur du jeune empereur et espiègleries de celui-ci s'enchaînent dans un cadre magnifique. On grandit avec l'empereur, la réalité s'impose de plus en plus au spectateur tout comme elle s'impose à Puyi : il est prisonnier de la cité interdite, de ses épais murs, de ses rites et de ses hypocrites. La cour impériale fait miroiter au jeune Puyi un pouvoir qu'il n'a pas, qu'il n'a plus. Son seul rayon de soleil sera son précepteur et ami écossais : Reginald Johnston. Le petit Puyi est devenu grand. Quoi que mince fusse son pouvoir, le voilà qui veut réformer le fonctionnement de l'archaïque cité interdite. Les flammes lui répondront.


La prison dorée ouvre enfin ses portes au jeune empereur en 1924, lorsqu'il est expulsé par le nouveau gouvernement chinois. Commence alors un long exil pour Puyi, exil qui durera jusqu'en 1932, date à laquelle les japonais, qui ont envahi la Mandchourie (région d'origine de l'empereur), l'appelle pour devenir l'empereur de l'Etat du Mandchoukouo. L'empereur qui rêve de moderniser la Chine et d'en refaire un grand pays voit dans cette nouvelle fonction le moyen de poser la première pierre de sa Chine future. Mais là encore, Ionesco et son roi se meurt ne sont pas très loin. Puyi apprendra à ses dépens que son Etat est fantoche et qu'il n'est qu'un jouet des japonais. Lorsque les alliés défont ces derniers et que Puyi est fait prisonnier par les troupes soviétiques, il croisera une dernière fois sa femme, rongée par l'opium. Une allégorie d'une Chine agonisante dans laquelle les germes de la guerre civile éclosent. Puyi est incarcéré dans une geôle du régime communiste chinois quelques années plus tard. Celui qui fut demi-dieu n'est plus qu'un misérable numéro. Après un peu plus de 10 ans de rétention, il sera libéré avec ses regrets. Celui de ne pas avoir pu sauver la Chine, celui de ne pas avoir pu sauver sa femme. Puyi, c'est un enfant auquel on n’a pas laissé le temps de grandir, un réformateur étouffé par son conservatisme, un Homme froid éprouvé par les mensonges à répétition, un demi-dieu qui s'est pris pour un empereur, un empereur qui s'est pris pour un demi-dieu. Mais il n'était qu'un Homme.


Avec "Le dernier empereur", Bertolucci nous offre un biopic splendide allié à une réelle réflexion sur le pouvoir et les regrets que chacun d'entre nous accumulons toute notre vie. La mort de Puyi est un chef d’œuvre de pudeur et de beauté, le plus beau cadeau d'adieu que l'on puisse offrir à ce personnage fabuleux.

Kerke
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le 5 mars 2016

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