J'ai voulu le revoir après plusieurs années.
J'ai encore une fois été bluffée par les yeux fous et la hargne de Bruno Davert, interprété par un José Garcia, au sommet de son art.


Le scénario ficelé par Costa-Gavras et l'excellent Jean-Claude Grumbert (auteur de nombreuses pièces de théâtre) est tout à fait plausible, dans une société rongée par le chômage et la concurrence entre les chercheurs d'emploi sur le marché du travail.


Bruno Davert ne supporte pas d'avoir été viré de la société de fabrication de papiers spéciaux dans laquelle il était ingénieur développeur. Entretien d'embauche après entretien d'embauche, il se rend vite compte que sa recherche d'emploi ne va pas aboutir rapidement et il décide alors de passer à l'attaque pour éliminer ses rivaux.


Un scénario macabre va se mettre en place, qui va pousser Bruno Davert loin, très loin.
Il devient machiavélique, extrêmement cynique (voir la scène de l'entretien d'embauche où il se moque éperdument de la recruteuse), fuyant de plus en plus sa femme et ses enfants.


Menteur hors paire, froid, d'une logique à toute épreuve, extrêmement inventif dans ses dissimulations, il va jusqu'au bout de ses intentions, renouvelant son crime.
Il ira même jusqu'à sauver son fils de la prison en cachant ses vols, ce qui lui redonnera un peu de crédit aux yeux des siens.


José Garcia est merveilleux dans ce rôle à contre emploi, utilisant avec force et brio toute la palette des émotions négatives : la colère, la jalousie, le cynisme, la violence, la hargne, le mensonge, la dissimulation.
Il est d'une froideur très inquiétante, mais je trouve que la grande réussite de Costa-Gavras est de nous l'avoir rendu également touchant, assez proche de nous finalement.


A propos de la difficulté de son rôle, José Garcia a confié : "c'est un film qui me met dans un doute terrible. J'ai fait le film de ma femme (Rire et châtiment d'Isabelle Doval), j'ai fait quelques films comme ça où je suis de 1 à 2, mais là, autant de plans sur ma gueule ! (...) Il m'a fallu inventer de l'intérieur à l'extérieur, ça m'a plongé dans une fragilité, pas la fragilité de faire un tueur, mais une fragilité par rapport à mon métier comme un univers que je commence à découvrir au fur et à mesure."


C'est cette fragilité sans doute qui nous le rend si humain, si fou, si extrême mais si humain.


Quant à Karin Viard à ses côtés, elle ne démérite pas. Elle interprète sa femme, déboussolée par l’attitude de son mari, de plus en plus distante, aux comportements nerveux et imprévisibles. Elle ira jusqu'au bout pour sauver son couple.


La relation du couple est d’ailleurs très bien vue, ainsi que celles des parents avec les enfants.


Bruno Gourmet se glisse dans la peu d'un certain Monsieur Machefer (notez l'ironie du nom), ingénieur développeur lui aussi, mais en activité dans la boite que Bruno Davert convoite. Il n'a pas l'air très bien dans sa peau lui non plus. Alcoolique, déprimé, il tombera lui aussi.


La fin du film relance le suspense astucieusement.


Aucune fausse note donc, c'est un travail de chefs.


Note attribuée : 8.5/10

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le 11 sept. 2017

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