Le Conte de la princesse Kaguya
7.9
Le Conte de la princesse Kaguya

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (2013)

Isao Takahata ne cessera de nous surprendre. Ce très grand nom du dessin animé ne dessine pas, cela a favorisé l’extrême plasticité de sa filmographie. En effet, quoi de commun entre le trait rond et enfantin de Panda petit Panda, le réalisme déchirant du Tombeau des lucioles, la romance nostalgique d’Omoide poro poro ou les esquisses animées de Mes voisins les Yamada ?


Takahata adapte la plus ancienne légende japonaise (Xe siècle) : Un couple de paysans pauvres et âgés découvre un minuscule bébé à l’intérieur d’une tige de bambou. Ils décident d’élever ce don du ciel. Surnommé par les enfants du village « Pousse de bambou », le petit être grandit très rapidement, en taille et beauté. La découverte d’un trésor convainc le père que l’enfant doit être éduquée comme une princesse, dans un palais proche de celui de l’empereur. Elle sera la "Princesse Kaguya des bambous graciles". Sa réputation grandit, cinq princes se précipitent pour lui faire la cour…


Le style évoque le trait épuré, caricatural et simpliste des Yamada, mais dans une forme plus ambitieuse, associant dessin traditionnel et animation informatique. En deux coups de pinceau, soulignés par de douces aquarelles, une fleur s’épanouit, une sauterelle s’élance, des grenouilles traversent l’écran. Le dessin s’assume comme une ébauche, à nous, par un effort de volonté, de l’apprécier et de l’achever. Isao Takahata : « Ce qui nous intéressait pour ce film était de travailler un dessin qui s’assume comme dessin, qui se permette de dire : "Je suis une esquisse, une représentation rapide, portée par l’élan d’une chose réelle qu’il vous reste à percevoir, à imaginer, à trouver, à lire, à déchiffrer par-delà le dessin. Et également une chose à retrouver par rapport à votre propre mémoire." »


Le trait est d’une rare beauté, proche des plus fines estampes japonaises. Isao Takahata, encore : « Ce qui m’importait, c’était de montrer à quel point notre planète est merveilleuse, remarquable, extraordinaire. Il existe bien sûr sans doute très loin d’ici des corps célestes qui présentent des caractéristiques similaires, je ne sais pas. Mais en tout cas, il y a pour moi une beauté propre à notre monde qui découle de la diversité, de la vie végétale et animale qui existe sur Terre. C’est à l’intérieur de ce cadre que la vie humaine peut exister. » La jeune Kaguya ne cesse de s’émerveiller devant la beauté de la création. Elle accepte, avec réticence, de se soumettre aux exigences de son rang. Kaguya repousse, avec humour et intelligence, les plus beaux partis du royaume. Hélas, son geste suscite la convoitise de l’Empereur en personne. Elle résiste à une agression et, se faisant, cause sa perte. Elle a souhaité quitter cette vie et a été entendue.


La seconde partie est plus insolite, du moins pour nous autres, pauvres Occidentaux. Kaguya se découvre Lunienne : elle a été envoyée sur Terre en punition, pour avoir désiré découvrir cette planète interdite. Les Luniens nous estiment souillés par nos émotions, la tristesse, la joie, la peur... Sa famille va venir la chercher, elle regagnera son monde d’origine et oubliera tout de son passage parmi nous. Ses lames ne pourront rien changer. Elle embrasse ses parents et s’offre une virée à la campagne, quelques minutes ou quelques jours, le temps semble se dilater, au côté du jeune paysan Sutemaru, celui qu’elle aurait pu aimer… De fait, un fort surprenant Bouddha hiératique et son orchestre angélique viennent l’emporter sur leur nuage.

Step de Boisse

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