Avec un tel film, le ciel peut attendre

Si vous ne savez pas ce qu'est le Technicolor, courez voir "Le ciel peut attendre" ! Cette comédie des années 40 décrit avec beaucoup de tendresse et de malice la vie de famille d'un homme depuis son enfance jusqu'à sa mort (et même un peu après). On traverse les époques (de 1890 à 1940) comme on feuillette un luxueux livre d'images. Les décors et les costumes somptueux drapent le film d'une élégance rare au cinéma.

Le temps s'écoule doucement dans cette famille bourgeoise aux valeurs conservatrices. Les femmes se tiennent et les hommes font leur apprentissage de l'amour ! Ah le mariage ! N'y a-t-il rien de plus beau en ce bas monde... Rien de plus beau ? Justement, c'est une question que pose le réalisateur ! Derrière les apparences d'une vie maritale bien sous tout rapport se cachent bien des frivolités, des mensonges et des déceptions. Loin de défendre le modèle patriarcal, le réalisateur inverse même les rôles et c'est la femme, initialement trompée, qui bousculera finalement le sort de son mari volage.

Cette trame ambitieuse qui entremêle plusieurs générations offre au spectateur qui saura les comprendre des dialogues très amusants, empreints de finesse et de philosophie. Au fil du temps, les membres de la famille apparaissent et disparaissent de l'écran, chacun avec leur particularités, leur drôlerie et leur défauts. C'est ainsi que le grand-père, magistralement interprété, admire son petit-fils pour sa frivolité mais s'interroge sur le destin de son fils conformiste. Il faudra toujours être bien attentif car Lubitsch offre, comme à son habitude, une mise en scène qui procède parfois par ellipse et montre les choses autant qu'il laisse entendre les dénouements.

Il est admirable de voir à quel point il n'est pas ici question de tracer une ligne entre le bien et le mal, la réussite et l'échec. A l'inverse des couleurs qui éclatent à l'écran, le propos est construit tout en nuances. Les relations douces amères entre les nombreux personnages donnent cette saveur toute particulière au film et invite le spectateur à réfléchir à sa quête du bonheur. Un film mythique dans l'histoire du cinéma américain !