Je n'ai jamais été un grand amateur de Shrek ou de son univers.

Non que je n'aime pas jouer avec les contes de fées mais je n'apprécie guère l'esprit de basse cuisine qui rejette le fleur bleue par simplicité ou par outrecuidance.

Pour cette même raison, je n'ai apprécié que médiocrement le premier volet spin-off de l'incontournable Chat Potté, qui mêlait conte de Perrault et conte de Lewis Carroll.

Mais cette dernière quête - ou plutôt ce dernier souhait, puisque tel est le réel titre - est ... différent !

Si l'humour facile, révélateur d'une gêne dans l'acceptation de sa sensibilité, n'en est pas absent, il est mis face à lui-même comme le protagoniste, remis en question par un petit chien plus fou et gorgé d'optimisme, pétri de simplicité. Le rejet de l'ironie qui nous empêche d'apprécier les oeuvres: avant le Chat Potté, c'est le spectateur compliqué et railleur qui reçoit une leçon; et par l'univers même qui lui avait fait cultiver le goût de tout critiquer.

Ce nouvel opus cultive l'art de redonner de la valeur au personnel des contes quand Shrek s'était ingénié à le tourner en dérision. Plus d'ogre pour rassurer le rejet d'une volonté de dépassement de soi mais un chat trop sûr de lui qui va apprendre l'humilité, l'amour, l'amitié et le prix des choses les plus simples. Plus de Prince Charmant ou de Marraine la fée détournés en antagonistes pour complaire aux tenants du mauvais goût, plus d'Humpty-Dumpty maléfique-mais trop pour satisfaire tout le monde: l'antagoniste est vieux comme le monde et il emprunte aux plus effrayants de tout ce qu'a produit le cinéma pour l'incarner.

Car la star de ce métrage est la figure de conte la plus éculée mais la plus efficace, une figure qui hante les dessins animés de Disney et des Minikeums jusqu'au Dr Who ! Vous souvenez-vous de la peur que vous avez ressenti en entendant les cors de Prokofiev et en voyant surgir la gueule terrible qu'affronte vaillamment le petit Pierre et ses amis dans le conte musical adapté par Disney et narré par Gérard Philippe, par Jacques Brel, par Lambert Wilson et par tant d'autres ? Oui, c'est en partie lui, le nouvel antagoniste du Chat Potté: le Grand Méchant Loup ! Qui a peur du Grand Méchant Loup ?

Tout le monde ! Et plus encore ici ! Car les cors de chasse ont été remplacé par un air type du western, un sifflement digne de M le Maudit chasseur de primes. Son possesseur emprunte au non moins terrible Chasseur et Faux-Prêcheur de Robert Mitchum dans la célèbre Nuit du Chasseur de Charles Laughton. Il emprunte aussi la bure obscure qui pourrait être celle de Palpatine et les yeux rouges des plus effroyables croque-mitaines. Mais ce sont ses deux faucilles qui révèlent qui se cache sous les traits déjà épouvantables du Grand Méchant Loup dévorateur: La Grande Faucheuse. la MORT !

En somme, ce Chat Potté 2 est une sorte de réécriture de Pierre et le loup mais avec un Ivan empoté qui fuit devant la mort qui va se changer en Pierre plein de courage et de panache. Il ressortira la même morale que celle du conte - hors le courage, celle de l'amitié, de l'union d'individus contraires, parfois même adversaires qui, unis défieront la Cupidité et la Mort, exauçant leurs souhaits en refusant de les souhaiter.

Un impensable et incroyable momento mori inattendu d'un univers aussi adolescent que celui de Shrek, qui vaut vraiment le coup d'oeil, qui rappelle ce qu'est la sensation du cinéma non méta et donne espoir en l'avenir du 7e art.

Un conte qui commence par un détournement du sempiternel "inspiré de faits réels" dont son estampillés la plupart des nouveaux films à succès pour en faire un Il était une fois: "Cette histoire est un conte". L'incipit sacramental redoré donne lui aussi sa morale: cessez d chercher à tout prix du réel partout, cessez de vous dire "sorti du film" au moindre "petit détail qui me chiffonne" à la Columbo; profitez du spectacle quand il est là ! Et dans toute sa simplicité, comme la Mort: "pas une métaphore, pas une figure de style ! La Mort au sens le plus simple du terme". Un momento mori qui, cruellement, vient se cacher jusque dans l'ultime réplique post-générique, pourtant prévue comme une simple allusion à Deadpool ou plus originellement à La Folle Journée de Ferris Bueller: "Vous êtes encore là ?"

Frenhofer
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le 17 mars 2023

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